1932 Papiers
Papiers. Cahier d’exercices et d’essai
(Aucun nom de responsable)
Impr. de la Charité, Montpellier.
19 x 24 cm. 192 pages
n° 1, mars 1932, seul paru
Textes de : Pierre Thouvenin, Jean Mouraille, René-Albert Lacassagne, Marie-Thérèse de Bernis, Gabriel Lenthéric, Marguerite-Marie Caillé, Laure Séchan.
Tirage à 500 exemplaires, dont 175 HC sur Alfa bouffant et 325 sur vélin, tous numérotés.
Avec, sur feuille volante, la liste nominative des souscripteurs des exemplaires HC.
Désarçonné, je suis !
Voici une revue de belle apparence, dont les textes, sans être fulgurants, ont de la tenue et du contenu.
Mais voilà, une fois leur Papiers fait, leur écrit écrit, les auteurs disparaissent, se taisent à jamais. Plus une ligne d'écriture publique.
Je vais donc, pour le numéro unique de cette revue disparue, détailler un peu auteurs et sommaire.
Ah! Important ! La tonalité affirmative et décidée de tous les textes m'indique que les auteurs sont jeunes, très jeunes : entre 18 et 25 ans au plus, ce que confirme les 3 état-civil retrouvés.
Autre remarque importante : il est rare de trouver une revue aussi cohérente : une même tonalité résonne au long des pages, les références littéraires sont communes, les espérances identiques. Une équipe intellectuellement et artistiquement soudée.
PIERRE THOUVENIN
Sans aucun doute Auvergnat. La liste des souscripteurs ne comprend pas moins de 10 habitants de Clermont-Ferrand, dont 5 "demoiselles" : un garçon séduisant?
C'est à coup sûr un des initiateurs de la revue.
Sa poésie rythmée a un arrière fond symboliste, mais cousine volontiers avec cette Pléïade qui réunissait alors Valéry, Anna de Noaïlles, Camo, Gasquet ou Mazade...
Un cristal pur de perle aux lèvres de silence
Sa poésie en prose est volontiers rurale (allez, disons auvergnate) et lisible.
Une belle étude sur Claude Lorrain : le plus grand peintre du monde selon Thouvenin (qui a donc 20 ans), le seul français capable de faire la synthèse entre italiens et flamands. Et surtout, éloge suprême : "Il fut uniquement un peintre, non un littérateur". Et pan sur le bec de Poussin!
Thouvenin cesse d'écrire.
MARIE-THÉRÈSE PIERRE DE BERNIS (dite MIMI)
Née en 1912, elle a 20 ans (morte en janvier 1978). Très grande famille de Nîmes. On peut penser que c'est elle qui amène les souscriptions des Rodez-Bénavent, des Rohan-Chabot ou des barons Fabre de Roussac. Dans 5 ans, elle fera sa grande entrée dans le monde des arts parisiens en épousant à Nîmes le peintre Jean GODEBSKI, le fils du flamboyant Cipa Godebski. Maurice Ravel qui a dédié L'Enfant et les sortilèges à Jean sera présent au mariage.
Mais Mimi n'écrira plus.
Ses poèmes sont dans la ligne de la revue. C'est à peine s'ils embarquent parfois quelques filets de morale, quelques filets de précepte.
GABRIEL LENTHERIC
C'est sans doute lui qui nait en 1910, meurt en avril 1994 à Clermont-L'Hérault et qui a dirigé l'établissement thermal de Lamalou-les-Bains.
Sa poésie est elle aussi volontiers rurale, classique et romantique, sa prose parle de la Grèce antique comme Claude Lorrain en peignait les temples.
Gabriel Lenthéric n'écrira plus.
MARGUERITE-MARIE CAILLÉ
D'elle je ne sais que ça : sa poésie aime la nature, et elle, elle aime Anna de Noaïlles et Henri de Régnier. Et surtout Claudel. Ah ! L'Annonce faite à Marie !
Elle écrit ça, puis n'écrira plus.
RENÉ-ALBERT LACASSAGNE
On pourrait croire que lui au moins continuerait à écrire (il annonce même une suite à un de ses textes). Non, il n'écrira plus.
Sa poésie est dans la veine de l'équipe. Mais Lacassage ajoute : train, gare, rail, wagon et ça sonne comme une audace.
Plus loin, "Lyrisme de la terre" poursuit en prose un éloge de la ruralité. C'est cohérent avec l'orientation de la revue. Son écriture frôle Manosque, évoque le premier Giono (l'illisible préchi-précha des débuts), et anticipe les guimauves ardéchoises de Ferrat. Et Denis Saurat donne trois sous d'occulte...
Mais le gros morceau, c'est le long texte (dont la suite est promise) : L'Échec d'un Mouvement.
Dédié à Mauriac, il constate qu'après avoir flambé 6 ans, le surréalisme est mort (dès 1926-27, c'était fini!). C'est normal. Breton, Aragon, Eluard, Cocteau, étaient des parisiens et "la ville n'est pas un lieu de création". C'est parce qu'ils avaient des valeurs factices que les jeunes révolutionnaires d'après-guerre ont échoué. Le modèle absolu, l'Ecrivain majeur du XXe siècle, c'est Alain Fournier. Lui connaissait et fréquentait la terre, la Sologne. C'est ce qu'ont compris et pratiqué les nouveaux écrivains : Mauriac, Giraudoux, Giono, Ramuz... La génération de 1930 (celle de Lacassagne) sera humaniste et romantique.
Mais une fois ce manifeste écrit, Lacassagne n'écrit plus.
LAURE SÉCHAN
Née en août 1914 à Montpellier où habite toute la famille, elle meurt à Cavaillon en 2013 (à 99 ans), après avoir épousé le docteur Henry de Fayard et connu la gloire de son neveu chanteur, qui se fera simplement appeler Renaud.
Elle a 18 ans lorsque ses vers, comptés et savamment rimés aborde une autre facette de la nature : la mer (C'est la mer qui prend la femme...?) .
Je ne connais pas d'autre texte de cet écrivain qui n'écrit plus après cet Équinoxe.
JEAN MOURAILLE
Sans doute nîmois, il est très possible qu'il soit le Jean Mouraille qui, à Villefranche-sur-Mer gère le Musée Volti et ÉCRIVE quelques pages dans une plaquette publiée en 1981 sur cette collection de sculpture. Plus une notice sur le peintre Gallibert en 1967, plus une autre sur la sculptrice Andrée Diesnis. Il aurait même écrit en 1969 un manuscrit (non publié) sur Villefranche-sur-Mer (à la bibliothèque DOUCET).
Bref, celui-là a quand même continué à un peu rédiger ses idées.
Pour le moment, il publie une nouvelle La vie prolongée dont le "naturalisme chrétien" (?) est légèrement obscurci par une écriture "artiste".
Puis une étude sur Le Théâtre moderne où Gide, Claudel, Cocteau et Giraudoux sont certes importants, mais Jean Mouraille leur trouve Jean-Victor Pellerin bien supérieur. Il n'a pas tort : Têtes de rechange jouée au Studio des
Champs-Elysées en 1926 sera " la soirée d'Hernani du
théâtre d'avant-garde ". Mais très vite, Pellerin préfèrera le silence de la poésie, et s'effacera. Jean Mouraille ne l'a pas prévu.
C'est pourtant dans cette effacement que lui et ses 6 collègues se retrouvent finalement le mieux.
La rareté de cette revue, sa qualité,
et le parti-pris de silence de
ses auteurs m'ont
poussés à
être
bavard
!
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