PLAN DE L'OLIVIER : LE QUARTIER DES BONS ENFANTS et BONS VIVANTS
Voici, trouvées par hasard dans un recueil de chansons de colportage (elles en portent le tampon) datant de Napoléon III, quelques pages insolites.
Il s'agit de 10 chansons montpelliéraines on ne peut plus populaires.
Ecrites en occitan par et pour les habitants du quartier, elles sont toutes consacrées à la gloire du PLAN DE L'OLIVIER, ce quartier très populaire situé entre l'Université et l'Aiguillerie.
Un auteur est nommé : JONQUET, ancien campagnard, âgé de 87 ans (en 1864). Est-il l'auteur de ces 10 chansons, ou de quelques unes?
Il est possible que les deux plus grands érudits sur la littérature occitane à Montpellier [et ailleurs], Philippe GARDY et Jean-Frédéric BRUN les connaissent, toutes ou certaines. Comme ce n'est pas mon cas, je vais les "publier".
Elles forment deux petits cahiers in-12° imprimés par MALARET, typographe et lithographe, 9 place Louis XVI [Marché aux fleurs] à Montpellier. Thomas Alphonse Malaret ne fut imprimeur que de 1861 à 1869 et n'a pas laissé beaucoup de traces. Rendons lui au moins ces modestes feuillets, destinés à être colportés à tous vents et que le vent a emportés.
Je ne ferai pas de commentaires sur la langue et la graphie. N'importe quel universitaire doit tomber en syncope, ou pire, à leur lecture. La langue est dégradée, à peine requinquée à tout bout de vers par des gallicismes éhontés. La syntaxe est totalement erratique, et l'orthographe n'a aucune cohérence, le même mot pouvant être écrit de plusieurs façons (et jamais la "bonne") dans le même texte.
Mais c'est le reflet de la langue parlée dans ces vieux quartiers montpelliérains : un fossé est déjà creusé entre le peuple et, disons, la Revue des Langues romanes qui paraît en même temps que ces textes. Ces deux mondes ne se connaissent plus, ne se fréquentent plus, et ce n'est pas Mistral qui y changera quelque chose. C'est d'ailleurs ce que dit une chanson, en parlant de l'autre patois : L'aoutré és un patouès sérious / Aco fay pas l'affayré.
Je voudrais juste faire quelques remarques sur ces chansons.
1 - Il n'y est jamais question ni de politique ni de religion. Nous savons par ailleurs que ces quartiers sont catholiques et royalistes : il n'en apparait rien dans ces couplets.
2 - Il serait vain d'y chercher une quelconque poésie. Mais si la poésie (la notre) est absente du texte, elle est présente, O! combien, dans l'acte de les écrire. Que le vieux Jonquet, ancien campagnard, se mette à écrire à 87 ans, c'est plus fort en poésie que la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie, comme dirait l'exact contemporain, Lautréamont.
3 - Une rengaine traverse tous les textes : nous sommes le quartier des BONS ENFANTS, ou des BONS VIVANTS. C'est l'image que ce vrai populo se fait de lui-même.
4 - J'ai fait une traduction le plus mot à mot possible. D'une part, ce n'était pas le lieu de faire de la littérature, d'autre part j'étais parfois incapable d'enlever le flou et la confusion, ou de préciser un sens que je ne comprenais pas : une traduction littérale m'évite de faire semblant d'avoir compris.
Voici ces CHANTS JOYEUX :
L'INDUSTRIA D'AOU PLAN DÉ L'OULIVIÈ.
L'INDUSTRIE DU PLAN DE L'OLIVIER
Lou plan
dé l'ouliviè
Es un bon
quartier,
Ounté tout
prouspéda
Aven beou
régarda ;
N'appercéven
pas
Michanta
manièra
Toutés
soun bon amis,
Car entré
vésis
Chacun béi
soun fréra ;
Din nostré
beou séjour
Nous
renden toutes à la cour.
Le Plan de l'Olivier
Est un bon quartier
Où tout prospère
On a beau regarder
On n'aperçoit pas
De méchante manière
Tous sont bons amis
Car entre voisins
Chacun voit son frère ;
Dans notre beau séjour
Nous nous rendons tous à la cour.
Campagnards
artisans,
Toutés
partisans,
Dé
carnavalada ;
A qui nous
amusan
Touchour
en cantan,
Passan la
veyada ;
Et dé sé
qué disen
Toutes né
risen,
Acos
chaqua annada ;
Quand nous
sen divertis,
Nous
quittan toutès bons amis
Paysans
artisans
Tous
partisans
De la
cavalcade ;
Ici, on
s'amuse
Toujours en
chantant
Nous passons
les veillées
Et de ce
qu'on dit
Tout le
monde rit,
Ceci chaque
année ;
Quand on
s'est diverti
On se quitte
tous bons amis.
Nostré Rey ès charmant
Embè soun air grand,
Amay respectable ;
Ordonna en riguèn,
Es bon, és pruden
Touchour és aymablé,
E chaqua courtisan
A un air galant,
Touchour agréablé
Nostrès grands oufficiès,
Touchour fan observa la pais.
Notre Roi
est charmant
Avec son
grand air
Et aussi
respectable ;
Il commande
en riant
Il est bon,
il est prudent
Toujours il
est aimable
Et chaque
courtisan
A l'air
galant,
Toujours
agréable
Nos grands
officiers
Font
toujours observer la paix.
Nostrés
bons habitans
Lou beïda
à la man,
Aymou la
bouteilla
Sé donou
un paouquet
Lou cop dé
toupet.
Daou chus
dé la treia
Car
l'aymou pas ben ion
Surtout
quand és bon ;
Per
caouffa l'aoudeia,
Alors viva
Bacchus
Qué
fournis d'aquel tant bon jus.
Nos bons
habitants
Le verre à
la main,
Aiment la
bouteille
Ils se donnent un peu
Le coup de [toupet?] .
Du jus de la
treille
Car ils
l'aiment pas trop loin
Surtout
quand il est bon
Pour
chauffer les oreilles
Alors vive
Bacchus
Qui fournit
un si bon jus.
Faou beydé en cantan,
Dé métrè en avan
Nostras cousinièidas.
An souen dé soun local
Aymou lou trabal,
Et soun oustaieidas ;
A ellas nous fisan,
Perqué rémarquan
Qué soun las premieidas
A voudré partacha,
Lou faï qué faou toutés pourta.
Il faut voir en chantant
De mettre en
avant
Nos
cuisinières.
Elles
soignent leur maison
Aiment le
travail
Et son
ménagères ;
Nous nous
fions à elles
Parce que
nous remarquons
Qu'elles
sont les premières
A vouloir
partager
Le fardeau
qu'il faut tous porter.
Pouden didé quiqu'on
Dé soun endustria ;
Trafiquéchou sus tout,
Et touchours aou bout
Enfin si on
va plus loin,
On peut dire
quelque chose
De leur
industrie ;
Elles
trafiquent de tout
Et il y a
toujours au bout
Une économie
;
Car en toute
occasion
Bon sens et
raison
Sont
toujours brillants.
Vendre ou
acheter
Elles savent
toujours s'arranger.
Sen en
trin à canta
Caou pas
oublida,
Nostras
campagnardas ;
Las bésou
pas aou bal,
Sibé aou
traval
Qué las ten
gaillardas,
L'estiou
amay l'hiver
Touchour
aou grand air ;
Ban usa
sas fardas,
Endudou
las sésous
D'aou
grand frech et grandes calous.
Nous sommes
en train de chanter
Ne
l'oublions pas,
Nos
campagnardes.
On ne les
voit pas au bal
Mais au
travail
Qui les
maintient gaillardes.
Eté comme
hiver
Toujours au
grand air
Elles usent
leurs fringues,
Elles
endurent les saisons
Des grands
froids aux canicules.
L'hiver à
gavella
Ou à
ramassa,
Dé bonnas
herbétas ;
L'éstiou à
rastella,
Ou ana
cerqua
Dé
cagaraoulettas.
Et lou
mati crida,
Bénès
m'achetta,
Semblou
des mourguettas.
Aou bon,
aou michant tens
Sé donnou
fossa mouvément.
Ou à ramasser
Des fines herbes ;
L'été à ratisser
Ou à aller chercher des escargots
Et crier le matin
"Venez m'acheter".
On dirait des mourguettes.
Au bon, au mauvais temps
Toujours en mouvement.
Cette chanson montre d'abord l'ambiance du quartier des bons amis, roi de la fête en tête. Les quatre dernières strophes partent d'un bon sentiment : montrer que les femmes du quartier sont sérieuses , travailleuses, courageuse, et ... industrieuses, c'est à dire capables de faire argent de tout. Paroles d'homme...
LOU NOBLÉ CAMPAGNARD
Le noble campagnard
Air : Cultiven la planta.
En souégnen la bella planta,
Dé nostré biel ouliviè.
Célébren la cour brianta,
Qués la choïa daou quartier.
Din l'hiver en assemblada
Nous véjaqui réunis ;
E la cour és coumpaousada,
Dé bons vésis et amis. (bis)
En soignant la belle plante
De notre vieil olivier
Célébrons la cour brillante
Qui est la joie du quartier.
Dans l'hiver en assemblée
Nous voici réunis ;
Et la cour est composée
De bons voisins et amis.
La cour ou la cavalcada
Nous amusa caouqué tens ;
Lou souer après la journada
Ianan passa un moumen,
A qui on ris on sé vanta
Nia qué fan quaouqués discours,
Et lou pus souven on canta ;
Mais aco és chaqua jour. (bis)
La cour ou la cavalcade
Nous amuse quelques temps ;
Le soir après la journée
Nous allons y passer un moment ;
Ici on rit, on se vante
Il y en a qui font des discours,
Et le plus souvent on chante ;
Mais ça, c'est tous les jours.
Nous travestissen per ridé,
En habilés courtisans.
Mais alors pouden vous diré,
Qué faou estré bons enfans ;
Car nous empadan das titres,
A l'usaché d'una cour.
E dé tens en tens lous litrés
Animoun nostrés discours. (bis)
On se déguise pour rire
En habiles courtisans.
Mais alors on peut vous dire
Qu'il faut être bons enfants,
Nous nous emparons des titres
A l'usage d'une cour.
Et de temps en temps les litres
Animent nos discours.
D'aquéles noums dé noblessa
Chacun n'ai pren sa pourtioun.
Lous viels amay la jouynessa,
Sen abiou san façoun,
L'un és couten dé soun grada
Un paou après nou és pas ;
L'aoutré bay en embassada,
Aqui sé fay respecta. (bis)
De ces titres de noblesse
Chacun prend sa portion.
Les vieux et même la jeunesse
S'en habillent sans façon.
Celui-ci est content de son grade
Un peu plus tard il ne l'est plus ;
L'autre va en ambassade
Ici il se fait respecter.
Souciétat fort noumbrousa,
E tout d'hommes à talan,
Assouciatioun jouyousa
En riguen nous assemblan.
On recounouy lou chénia
Qués aqui organisat.
Et l'adressa, l'industria,
Tout acos iès coumplicat. (bis)
Société fort nombreuse
Et toute d'hommes de talent
Association joyeuse
En riant nous nous assemblons
On reconnait le génie
Qui est ici organisé.
Et l'adresse, l'industrie
Tout ça y est compliqué.
Fraternitat labouriousa,
Lou traval nous réjouis
Coumma assemblada jouyousa,
Lou plési nous réunis.
Sen tous decidas à ridé,
Bons vivans jamay chagrins ;
Mais cépendan vous caou didé,
Qu'éloignan lous libertins. (bis)
Fraternité travailleuse
Le travail nous réjouit
Comme assemblée joyeuse
Le plaisir nous réunit.
Tous sont décidés à rire
Bons vivants jamais chagrins;
Mais cependant il faut vous dire
Qu'on éloigne les libertins.
Réunioun amusanta,
Mais acos pas un hazard.
Encada pus éléganta,
Las fennas ié prénou part
Touchours ellas embellissou,
Tout cé qué l'on entrepren ;
Mais alors sé divertissou
San s'éscarta dé soun ren. (bis)
Réunion amusante
Ce ce n'est pas par hasard.
Encore plus élégantes
Les femmes y prennent part
Toujours elles embellissent
Tout ce qu'on entreprend ;
Mais elles se divertissent
Sans s'écarter de leur rang.
Cette chanson est très morale. Nous y découvrons une fraternité de travailleurs bons vivants. Mais attention : toute idée de libertinage est bannie. Bien sûr, les femmes savent se tenir, mais, pour plus de sureté, les libertins mâles sont cordialement éloignés.
AMITIÉ JOUYOUSA
Amitié joyeuse.
Dins Mounpéiè
Nostré quartié,
Touchour à perména soun oulivié.
Es ressagut
Comma sé ièda nasqut
Es tan poulit,
Quant és ambé tout soun fruit.
Et lous courriès
Qu'announçou la pais
On lous bei paras dé gréls d'ouliviès (bis)
Dans Montpellier
Notre quartier
A toujours promené son olivier
Il est reçu
Comme s'il y était né
Il est si beau
Quand il porte tous ses fruits.
Et les courriers
Qui annoncent la paix
On les voit parés de rameaux d'olivier.
Faou coummença
Per salua,
Lous amis qué bénou nous visita.
Saven assez
Qués per plési qué bénez
Vous amusa,
A nous entendré canta
Nostrés couplès.
Qué répétadés
Esaiqué longtens vous amusadés. (bis)
Il faut commencer
Par saluer
Les amis qui viennent nous visiter.
Nous savons bien
Que c'est par plaisir que vous venez
Vous amuser
A nous entendre chanter
Nos couplets
Que vous répéterez
Et sans doute vous vous amuserez longtemps.
Parlen un paou
Diguen sé faou,
Qué la pais habita din chaqua oustaou.
Chouynès et biels
Toutés dé bons natudels ;
L'habitatioun,
Qués de bona pousitioun,
Vous charmara
Et nous fay canta,
Qué nostré ouliviè touchour briada. (bis)
Parlons un peu
Disons s'il faut
Que la paix habite chaque foyer.
Jeunes et vieux
Tous de bon naturel.
L'habitat
Qui est bien placé
Vous charmera
Et nous fait chanter
Que notre olivier brillera toujours.
Touchours unis
Nostré pays,
Renoumat coumma quartier das amis ;
Bloundins ou bruns
Toutés né fasen pas qu'un.
Aven aymat
La douça fraternitat.
Nostra unioun
Nous fay un rénoun,
Quès lou plézi dé tout nostré enviroun. (bis)
Toujours unis
Notre pays
Renommé comme le quartier des amis;
Blonds ou bruns
Tous nous ne sommes qu'un.
Nous avons aimé
La douce fraternité.
Notre union
Fait notre renom
Et le plaisir de tout notre entourage.
Lou beou païs
Ounté tout ris,
E quiés envirounat de bons vésis ;
Lous habitants
Soun toutés dé bons vivans,
Et l'air risen
Yé ban
naturellament.
Païs chouyous
Tout dé bons garçous,
L'habitant paisiblé yé viou hérous. (bis)
Le beau pays
Où tout sourit
Et qui est environné de bons voisins;
Les habitants
Sont tous des bons vivants,
Et l'air rieur
Leur va naturellement
Pays joyeux
Tout entier de bons garçons
L'habitant paisible y vit heureux.
Plaisen séchour
Ounté touchour,
Toutés lous plésis yé tenou sa cour ;
L'estiou, l'hiver
Yé respidan un bon air.
Touchour noumat,
Lou père dé la santat :
Païs charmant,
ounté l'habitant,
Es oublichat a estré bon enfant. (bis)
Plaisant séjour
Où, toujours
Tous les plaisirs tiennent leur cour ;
L'été, l'hiver
On y respire le bon air,
Toujours nommé
Le père de la santé.
Pays charmant où l'habitant
Est obligé d'être un bon enfant.
Ces bons vivants sont bien décidés à le rester. L'olivier totémique leur impose la paix. Bruns ou blonds, jeunes ou vieux, nous sommes bons amis, toujours unis... Mais nous qui savons que ce quartier est un foyer d'agitation politique et que le fait divers y fleurit à tous les coins de rue, nous doutons, et disons : "Embrassons-nous, Folleville! "
Ces chansons sont un pays rêvé...
L'OU BÉOU OULIVIÉ
Le bel olivier
Air : A l'oumbra d'aou bouscaché.
Canten embé allégressa
Nostré béou oulivié,
Aquéla bella espèça
Embélis lou quartié,
Orna nostras countréas
Embélis lou pais,
Borda nostras alléas
es dé nostrés amis. (bis)
Chantons avec allégresse
Notre bel olivier
Cette belle espèce
Embellit le quartier,
Orne nos contrées
Embellit le pays
Borde nos allées
C'est un de nos amis.
L'oulivié pacifiqué
Nous padés fort ancien,
E faou qué bous espliqué
Sé qué lous biels dizien,
Dessus aquesta terra
Quan tout és en bigou,
Sé pu béou d'una serra
es l'oulivié en flou. (bis)
L'olivier pacifique
Nous parais fort ancien,
Et il faut que je vous explique
Ce que les vieux disaient
Sur cette terre
Quand tout est vigoureux
Que plus beau qu'une serre [???]
Est l'olivier en fleur.
Es déssus soun brancaché
Qué l'habitan dé l'air,
Ben faidé soun ramaché
E soun poulit councert,
Dessus soun béou fioïache
Chacun ié faï sa boués,
A l'abri dé l'oudaché
Toutes cantou en pais. (bis)
C'est sur ses branches
Que l'habitant de l'air
Vient faire son ramage
Et son joli concert
Dessus son beau feuillage
Chacun y tient sa voix
A l'abri de l'orage
Tous chantent en paix.
Din lou printen can nisou,
Aquélés aousélous,
Aqui sé réproduisou
En canten sas cansous,
Après sas sédénadas
Dins un nis arroundit,
Counfiou sa nisada
A soun aoubré chédit. (bis)
Au printemps quand nidifient
Ces petits oiseaux
Là ils se reproduisent
En chantant leurs chansons
Après leurs sérénades
Dans un nid arrondi
Ils confient leur nichée
A leur arbre chéri.
Bél aoubré qué nou donna
Sa charmanta liquou,
Touta lenga la prona
Surtout per sa douçou,
Ella nous assesouna
Toutés nostrés ragous,
La fritura es miouna
Tant ié donna bon gous. (bis)
Bel arbre qui nous donne
Sa charmante liqueur ;
Tous les peuples la prônent
Surtout pour sa douceur.
Elle nous assaisonne
Tous nos ragouts
La friture est meilleure
Tant elle y donne bon goût.
A l'intrada d'aoutouna
Caousissen aou moulou,
L'ouliva la miouna
Per couffi aou sabou,
La luca, la berlada
L'amenlaou dé pais,
Rouchetta ou pigala
Acos d'un gous exquis. (bis)
A l'entrée de l'automne
Ils choisissent sur le tas
L'Olive la meilleure
Pour confir
au savon [lessive de soude, le lessif ? ]
La luque, la Verlade
L'amandine (?) de pays
Rougette ou pigale
Qui ont un goût exquis.
Noutrés chens dé campagna
Amis das artisans,
La pais nous accoumpagna
E guida nostrés ans,
Occupas dé cultuda
Pouden pas ana ion,
L'oulivié nous assuda
Un abri béou et bon. (bis)
Nous les gens des campagnes
Amis des artisans
Le pays nous accompagne
E guide nos années
Occupés aux cultures
On ne peut aller loin
L'olivier nous assure
Un abri bel et bon.
CHANTS JOYEUX DU CARNAVAL DU ROYAUME DU PLAN DE L'OLIVIER POUR L'ANNÉE 1864
PAR JONQUET, ancien campagnard, âgé de 87 ans.
LA COUR
Air : A Saoudet lon d'aou Lez.
A Sauret au bord du Lez
Cantan nostré gran rei
Et sa nobla coumpagna,
Près dél toujour on gagna
En observen sa lei.
Diamans en cour lusissou
Et pertout éblouissou,
Dégus n'avié pas vis
Tant dé diamants unis
Dins un même païs. (bis)
Chantons notre grand roi
Et sa noble compagne ;
Près de lui, on gagne toujours
En observant ses lois.
Diamants en cour reluisent
Et partout éblouissent.
Personne n'avait vu
Tant de diamants réunis
Dans un même pays.
Las bonnas qualitas
Chez el se réunissou,
Sembla qué s'accoumplissou
En cantan sous benfas.
Vayén et débonaïra
Indulgen et sévère
Un bon coumandamen
D'un air toujour counten,
Vey soun puplé risen. (bis)
Les bonnes qualités
Chez lui se réunissent,
On dirait qu'elles s'accomplissent
En chantant ses bienfaits.
Vaillant et débonnaire
Indulgent et sévère
Un bon commandemant [gouvernement]
D'un air toujours content
Voit son peuple riant.
Lou rei és décidat
A marcha à la glouèra,
Et alors on espéra
Qué séra rénoumat;
D'abor couma on souhaita
Faren léou la counquetta,
Dé caouqué biel cabot
Plé d'aou bon sé cé pot
Puléou grand qué pichot. (bis)
Le roi est décidé
A marcher vers sa gloire
Et alors on espère
Qu'il sera renommé.
D'abord, comme on le souhaite
On fera la conquête
De quelque vieux cabot
Plein de bon sens, si possible
Plutôt grand que petit.
Acos un rei pruden
N'aïma pas las entravas ;
Boou éloigna las cavas
Qué troublou lou bon sen ;
Mais couma la pipida
Chagrinerié la vida,
Pouden ana pus ion
Ounté lou saben bon
Sans ayga dé la fon. (bis)
C'est un roi prudent
Il n'aime pas les entraves ;
Il veut
éloigner les caves (?)
Qui troublent le bon sens ;
Mais comme la pépie
chagrinerait nos vies
On peut aller plus loin,
Où on sait qu'il est bon
Sans eau de source.
Courtisans rénoumas
Per vostra intelligença,
Guidas per la prudença
Tels qué sés décidas,
Aoussi nostrés ministrés
An souen dé sous régistrés
Aqui d'hommes charmants
Toutés dé bons enfans,
Récounougus per frans. (bis)
Courtisans renommés
Pour votre intelligence,
Guidez par la prudence
Tels que vous êtes décidés
Et aussi nos ministres
Ont soin de leurs registres
Voici des hommes charmants
Tous sont des bons enfants
reconnus comme francs.
Citan lous sénaturs,
Très-savans et habilles ;
D'aquela gens utilles
Ven lous embassadurs,
Qué pertout embé aïsença
Fan bria sa siença,
Pertout soun aplaoudis
Illustrou soun peïs
Estounou sous amis. (bis)
Citons les sénateurs
Très savants et habiles ;
De ces gens utiles
Viennent les ambassadeurs
Qui partout avec aisance
Font briller leur science ;
Partout sont applaudis
Ils illustrent leur pays
Etonnent leurs amis.
DEMOISELLES DU PLAN DE L'OLIVIER
Air : Gran Pater tus té siès vantat.
Doumaysellas daou plan de l'ouliviè,
Embelissès vostré quartiè.
Mais aoussi sès résercadas ;
Déqué vous fay résserca,
Lou bon sens qué manqua pa.
Qué pertout sés ben avisadas.
Demoiselles du Plan de l'Olivier
Vous embellissez votre quartier.
Aussi vous êtes recherchées ;
Ce qui vous fait rechercher
Le bon sens qui ne manque pas
Vous êtes bien vues de partout.
Jamay rés las fara rouji,
Ni amusamens ni plési.
Car és lou bon sen qué las guida;
Mais sé fay rire, riran,
Sé faou travailla iè van,
A pu près véjaqui sa vida.
Jamais rien ne les fait rougir
Ni amusement ni plaisir.
Car c'est le bon sens qui les guide ;
Mais s'il faut rire, elles riront
S'il faut travailler elles y vont
Voilà à peu près leur vie.
Soun iol és toujour ben séren
Tout chez ellas annonça ben.
Aou tout ia toujour la prudença,
Soun traval, soun air, soun biaï,
Poussèdou tout sé qué plaï,
Toujours lou bon sens en présença.
Leur oeil est toujours bien serein
Tout en elle s'annonce bien.
En tout il y a la prudence.
Leur travail, leur air, leur attitude,
Possèdent tout ce qui plait
Toujours le bon sens est présent.
Chés d'éstats las surprénou pa
A toutés podou travailla,
Brouïadas embé la paressa,
Poudou travailla per tout.
L'hounou qué pren garda à tout,
Toujour surveilla la jouïnesse.
Aucun métier ne les rebute
A tous elles peuvent travailler
Fâchées avec la paresse
Elles peuvent travailler pour tout.
L'honneur, qui prend garde à tout
Surveille toujours la jeunesse.
Dé principés doucés et réels
Yan fourmat dé bons naturels,
Qué vous farien aïma la vida ;
Soun air gaï et decidat,
Acos es la félicitat,
Aqui lou bon sens iè présida.
Des principes doux et solides
Ont formé leur bon naturel
Ceux qui vous font aimer la vie.
Leur air gai et décidé
C'est une vraie félicité.
Ici c'est le bon sens qui préside.
Réservadas naturelamen
sans sen douta précisamen,
Cépendan lous faits s'acoumplissou
Quan lous viels an décidat
Qué faou un assouciat,
Lous countraris s'évanouissou.
Naturellement réservées
Sans s'en douter précisément
Cependant les faits s'accomplissent
Quand leurs parents ont décidé
Qu'il faut un associé
Les contraires s'évanouissent.
Lou bon sen embé la résoun,
Chez ellas an fach unioun.
Dirigeada per la prudença
La sévèra proubitat,
Et la fièra véritat,
Iè dirijou bé sa counsiença.
Le bon sens avec la raison
Se sont unis en elles.
Conduites par la prudence
La sévère probité,
Et la fière vérité,
Dirigent bien leur conscience.
L'UNION
Air : Aï diga la GandaIa.
Amis de la Veoufèra
Lou plan de l'ouliviè,
De lontemps vous révèra
Avez soun amitié,
Aquéla vièilla unioun,
Nascura dins la franchisa,
Fièra de soun rénoun,
L'amitié l'éternisa.
Amis de la Valfère
Le Plan de l'Olivier
De longtemps vous révère
Vous avez son amitié.
Cette vieille union,
Née dans la franchise
Fière de son renom
L'amitié l'éternise.
Las rélaciouns amigas
Naïssou dins lous plésis,
Sans soucis ni fatigas
Sen ben miou unis,
Tout nous sembla en coumun
Tant l'amitié és sencéra,
Dous né fasen pas qu'un,
L'Ouliviè la Vaoufèra.
Les relations amicales
Naissent dans le plaisir
Sans souci ni peine
Unis nous sommes mieux
Tout nous semble en commun
Tellement l'amitié est sincère
Les deux ne font plus qu'un
L'Olivier, la Valfère.
Nostra ferma alliança
Data despioï lontemps,
Mais surtout la coustança
La counduis toujour ben,
Durara à l'infini
Et servira dé moudéla ;
Lou bon sen lou plési
La veïra éternella.
Notre ferme alliance
Date depuis longtemps
Mais surtout la constance
La conduit toujours bien.
Sa durée sera infinie
Et servira de modèle ;
Le bon sens et le plaisir
La verront éternelle.
La fraternitat brïa,
Cimenta l'unioun,
Tout couma una familla
Que porta mèma noun.
Sen dous rouyaumés entiès
Qu'aven l'unioun ségura,
Sans aoutreés counseillès
Que la simpla natura.
La fraternité brille
Cimente l'union,
Tout comme une famille
Qui porte le même nom.
Nous sommes deux royaumes
Assurés de leur union
Sans autres conseillers
Que la simple nature.
Per la carnavalada,
Viva nostré patouès.
Ou vésès chaqu'annada,
Qués alors qué risès.
Lou patouès és tout joyous,
Et sans cesse badinayré,
L'aoutré és un patouès sérious
Aco fay pas l'affayré.
Pendant tout le carnaval
Vive notre patois.
On voit bien chaque année
Que c'est le moment où il rit.
Le patois est tout joyeux
Et sans cesse plaisantin ;
L'autre est un patois sérieux
Qui ne fait
pas l'affaire.
LA SALADA
Air : A l'oumbra d'un bouscaje.
Cantan lou carnaval,
E lou bon sens apella,
L'adressa aou trabal
Aquel ancien lengaché
Qué nous réjouira,
Embé soun badinaché
Lontemps amusara.
En langue maternelle
Chantons le carnaval,
Et le bon sens appelle
L'adresse au travail.
Ce vieux langage
Qui nous réjouira
Avec son badinage
Longtemps amusera.
A certaina época
Faou ana amassa,
Salada déla broca
Qué vous réfréscara.
Sicoureïra couada
Qué donna l'apétis,
Sembla la préférada
Toujour on la caousis.
A certaines époques
Il faut aller cueillir
Le pissenlit à la buche
Qui vous rafraichira.
Chicorée renouée
Qui donne l'appétit
Sans doute la préférée
On la choisit toujours.
Mais aïssi la douceta
Qué ten lou premiè ren,
Aquéla ansaladéta
Lou moundé l'aïma ben
Et l'aoutra ansalada,
das bons é beous creyssous
Qués aoutan réserquada
Qué las das répounchous.
Mais voici la doucette [mache]
Qui tient le premier rang
Cette saladette
Tout le monde l'aime bien
Et l'autre salade
Du bon et beau cresson
Qui est aussi recherchée
Que celle de raiponce.
L'herba ansaladéta
Qué noumou anitor,
Es toujour frisadéta
E nous couven d'abor,
Teragrepia prounada,
Es un for bon mangea
Avan estré lavada
La faou un paou tria.
L'herbe en salade
Qu'on appellen nasitort[2]
Est toujours frisée
Et nous convient d'abord ;
Tere-grepia pronée
Est un bon aliment
Avant de la laver,
Il faut bien la trier.
Souègnen nostr'ansalada
Per né fayré d'archen.
Quan és ben préparada
Cridan dé tens én tens
Dansaladeta fina,
Caou ven nous éstréna,
Ia maï d'una visina
Qué ven per acheta.
Soignons bien nos salades
Pour faire de l'argent.
Quand elle est bien préparée
Crions de temps en temps
Des saladettes fines
Qui veut nous étrenner[1]
Il y a plusieurs voisines
Qui viennent en acheter.
Permenan la campagna
Pas san nous alassa ;
Sé la ploja nous bagna
Nous la faou endura,
Aquelas prouménadas
Soun dé frech et dé caou,
Pas jamaï terminadas
Per lou ben sans lou maou.
Promenons en campagne
Sans nous lasser ;
Si la pluie nous mouille
Il nous faut l'endurer,
Ces promenades-là
Se font par chaud ou froid
On n'en finit jamais
Pour le bien sans le mal.
CARNAVAL
Air : Toun païra era piqur
Nostre ancien carnaval
Chaqu'an se renouvela
San saoupre dounte ven ;
E alors que risen,
La joïo, lous plésis,
Pertout soun espandis,
E van d'un pas égal
Embé lou carnaval.
Notre ancien carnaval
Se renouvelle chaque année
Sans savoir d'où il vient.
Et alors qu'on rie
La joie et les plaisirs
Se répandent partout
Et vont d'un pas égal
Avec le carnaval.
Lou ten de carnaval
Es bé lou ten de riré ;
E quan lou moundé ris
Es alors qué jouis.
Sembla que lous plésis
S'emparou daou péys,
E chacun en riguen
Nous prouba qués counten.
Le temps du carnaval
Est bien le temps de rire ;
Et quand le monde rit
C'est alors qu'il jouit.
On dirait que les plaisirs
S'emparent du pays
Et chacun en riant
Nous prouve qu'il est content.
Malgré nostré patouès
Lou mounde ven en foula
Envirouna la cour,
E acos chaque jour ;
Sé vénou amusa
A entendré canta.
Daou divertissémen
Chacun s'en vaï counten.
Malgré notre patois
Le monde vient en foule
Environner la cour,
Et ceci chaque jour ;
Ils viennent s'amuser
A entendre chanter.
Du divertissement
Chacun s'en va content.
On sap que carnaval
es paren de la joïa :
A riré, badina
Chamaï s'alassa pa ;
Famous divertissan,
Toujour ris de soun plan ;
Chusqu'à se que dourmis
Ris ou se divertis.
On sait que carnaval
Est parent de la joie :
A rire, badiner
Ils ne se lassent jamais ;
Fameux fêtard
Rit toujours de son plan
Jusqu'à l'heure de dormir
Il rit et se divertit.
LES BLANCHISSEUSES DU PLAN DE L'OLIVIER
Air : La tounaïeira l'autré chour.
La tonnelière l'autre jour
Las savounayras d'aou quartié
Dé nostré plan dé l'oulivié,
Soun toutas escarabiadas
Nan pas lou temps d'estré laïadas ;
Perqué savou qué son traval
Entrena fossa dé baral.
Les savonneuses du quartier
De notre Plan de l'Olivier
Sont toutes dégourdies
Elles n'ont pas le temps d'être fatiguées
Parce qu'elles savent que leur travail
Entraine beaucoup de tracas
Lou mati portou soun paquet
Qué iè faï doouré lou coupet,
Et l'hiver embé la fresquièa
Quan faou intra din la rivièra
Per ana soufri las doulous,
Qué caousou aquéles glaçous.
Le matin, elles portent leur paquet
Qui leur fait mal à la nuque
Et l'hiver avec les frimas
Quand il faut entrer dans la rivière
Pour aller souffrir les douleurs
Que causent ces glaçons.
Quan tout lou jour en travaïat
De fés lou souer n'es pas sécat,
Alors faou l'empourta humide
Quan nés pas sec nés pas liquide,
Et pioï lou souci de loustaou
Aco n'adoucis pas lou maou.
Quand tout le jour elles ont travaillé
Des fois le soir ce n'est pas sec
Alors il faut l'emporter humide
Quand il n'est ni sec ni liquide,
Et puis le soin de la maison
N'adoucit pas leur tourment.
Per saouba las cambas daou frech
Faou qué lou débas tengué drech
Couma lous dé las bugadièras
Qué tenou sans jaretièras,
Et disen tout plésentan
Faou qué siègou dé feréblanc.
Pour sauver leurs jambes du froid
Il faut que les bas tiennent droit
Comme ceux des lavandières
Qui tiennent sans jaretières
Et on dit en plaisantant
Il faut qu'ils soient en fer blanc.
Lou souer arrivan à l'oustaou
N'aven pas lou mendré répaou,
Perqué faou rendré et ana quèré ;
Ma foué faouriè estré dé fèré ;
Encara sé voulen soupa
Faou l'ana quèré et l'apresta.
Le soir arrivant à la maison
Il n'y a pas le moindre repos
Parce qu'il faut rendre et aller chercher [le linge ]
Ma foi, il faudrait être de fer
Et puis si on veut le souper
Il faut aller le chercher et le préparer.
Quaouquas fés aven un enfan
Qué souven és un paou michan,
La mèra nés pas trop countenta
Car dins lou temps qué l'alimenta,
Lou lingé sé savouna pas
Mais pot pas l'entendré ploura.
Quelquefois on a un enfant
Qui souvent est un peu méchant
La mère n'est pas trop contente
Car du temps qu'elle le nourrit
Le linge ne se savonne pas
Mais on ne peut pas le laisser pleurer.
Nous iè caou faïdé un abri
Qués pas lou pe pichot souci,
Alors fasen una cabana
A l'abri dé la trémountana,
Per empacha lou ven d'aou nord
Dé pénétra jusqu'a soun cor.
Il nous faut faire un abri
Ce n'est pas un petit souci
Alors faisons une cabane
A l'abri de la tramontane
Pour empêcher le vent du nord
De pénétrer jusqu'à son corps.
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