À la mémoire du soldat Bersot, fusillé pour avoir refusé un pantalon souillé de sang et réhabilité par la Cour de Cassation.
Lucien Jean Baptiste Bersot, né le 7 juin 1881, exécuté le 13 février 1915 et réhabilité le 12 juillet 1922 fut fusillé pour l'exemple pendant la Première Guerre mondiale pour avoir refusé de porter un pantalon ayant appartenu à un mort.
Comme il n'y avait plus en magasin de pantalon à sa taille, Lucien Bersot ne pouvait porter que celui en toile blanc fourni avec le paquetage remis lors de l'incorporation. Grelottant de froid dans les tranchées, il demanda un pantalon de laine identique à ceux que portaient ses camarades. Le sergent lui proposa alors un pantalon en loques et maculé de sang, pris sur un soldat mort, ce que Bersot refusa.
Pour ce refus, Lucien Bersot se vit infliger une peine de huit jours de prison par le lieutenant. Mais le lieutenant-colonel Auroux, commandant du régiment, estima cette punition insuffisante.
Traduit pour « refus d'obéissance » devant le Conseil de guerre « spécial » du régiment, présidé par Auroux, Bersot fut condamné à mort. La peine ne correspondait alors nullement au code militaire car le délit avait été constaté à l'arrière et non au contact de l'ennemi.
Deux compagnons du condamné intervinrent alors auprès du lieutenant-colonel pour tenter d'adoucir la sentence, mais se virent punis à leur tour de travaux forcés en Afrique du Nord. D'autres refusèrent de tirer sur leur camarade lors de son exécution qui eut lieu dès le lendemain.
Après la guerre, une campagne de presse fut engagée, soutenue par la Ligue des Droits de l'Homme permit d'obtenir la réhabilitation de Lucien Bersot le 12 juillet 1922. Grâce à cette réhabilitation, sa veuve put prétendre à la pension de veuve de guerre et sa fille put être reconnue comme pupille de la Nation.
Comme il n'y avait plus en magasin de pantalon à sa taille, Lucien Bersot ne pouvait porter que celui en toile blanc fourni avec le paquetage remis lors de l'incorporation. Grelottant de froid dans les tranchées, il demanda un pantalon de laine identique à ceux que portaient ses camarades. Le sergent lui proposa alors un pantalon en loques et maculé de sang, pris sur un soldat mort, ce que Bersot refusa.
Pour ce refus, Lucien Bersot se vit infliger une peine de huit jours de prison par le lieutenant. Mais le lieutenant-colonel Auroux, commandant du régiment, estima cette punition insuffisante.
Traduit pour « refus d'obéissance » devant le Conseil de guerre « spécial » du régiment, présidé par Auroux, Bersot fut condamné à mort. La peine ne correspondait alors nullement au code militaire car le délit avait été constaté à l'arrière et non au contact de l'ennemi.
Deux compagnons du condamné intervinrent alors auprès du lieutenant-colonel pour tenter d'adoucir la sentence, mais se virent punis à leur tour de travaux forcés en Afrique du Nord. D'autres refusèrent de tirer sur leur camarade lors de son exécution qui eut lieu dès le lendemain.
Après la guerre, une campagne de presse fut engagée, soutenue par la Ligue des Droits de l'Homme permit d'obtenir la réhabilitation de Lucien Bersot le 12 juillet 1922. Grâce à cette réhabilitation, sa veuve put prétendre à la pension de veuve de guerre et sa fille put être reconnue comme pupille de la Nation.
Wikipedia termine par la littérature générée par cet épisode :
Le destin tragique de Lucien Bersot a été conté dans un livre d'Alain Scoff, Le Pantalon, paru en 1982 et réédité en 1998.
Yves Boisset a réalisé un téléfilm, Le Pantalon, diffusé sur France 2 en 1997.
Lucien est une chanson hommage du groupe La Poupée du Loup.
Il n'y est bien sûr pas question de la première oeuvre littéraire, celle justement d'Hector Vince.
On le voit, la pièce d'Hector Vince est absolument contemporaine de la réhabilitation.
L'histoire est vue du côté de la veuve et du fils (qui remplace la fille), et non du côté de Lucien Bersot : elle se passe en 1922, au moment de la réhabilitation, et non en 1915.
Surtout, Hector Vince "dramatise", s'il est possible, la situation d'après-guerre : la veuve devient folle, et l'orphelin se suicide.
Il s'agit bien sûr d'amplifier les conséquences de la guerre, qui durent bien après qu'elle soit finie, et de crier à plein poumons :
GUERRE À LA GUERRE !
4 personnages :
la veuve et l'orphelin, un huissier de justice et le Maire de la commune.
Le décor est lugubre : un intérieur plus que misérable, des vêtements en guenille, au mur la pipe et la veste du soldat mort.
La première scène montre la misère : le fils revient des commissions le panier vide. Tout ce qu'il a récolté, ce sont des "flutes" chez le boulanger et "dix minutes" chez le boucher pour payer ses dettes. "Le proprio", lui, s'accommoderait d'un "arrangement" avec la jeune veuve.
... dans le monde où nous sommes
Les hommes n'ont jamais pitié des autres hommes.
Le fils en tire la conclusion :
Il n'y a rien à faire, alors il faut mourir?
À treize ans, déjà vieux !
Mais depuis quelques jours, je sens que l'heure avance
Où je dirai bonsoir, enfin, à la souffrance.
La mère se justifie, elle a fait tout ce qu'elle a pu.
Mon André! Si ton père était encore là,
Notre destin serait moins triste, mais voilà
Il partit pour défendre, au front, le bien des autres...
A : Et les nôtres aussi !
M : Ah ! Parlons-en des nôtres !
Ils s'appellent : la faim,
Le froid, l'isolement, le mépris, tout enfin,
Sauf ce qui fait la vie à peu près supportable...
Très vite, on se rend compte que la Mère est usée et rongée par une irrépressible rancoeur. On se rend compte aussi que le fils ne sait pas comment est mort son père. Les autres orphelins de guerre sont secourus, il ne comprend pas pourquoi ce n'est pas le cas pour lui :
C'est qu'ils touchent chacun trois ou quatre cent francs
C'est peu, mais ça vaut mieux que rien !
Peu à peu, avec réticences, sa mère lui dit la vérité, et sa volonté de se venger :
Si je disais un mot ce serait pour maudire...
Va, quand tu sera grand, je te parlerai d'eux...
Et j'armerai ta main, mon fils, pour la vengeance.
Alors tu vengeras celui qu'on nous a pris
Pour nous laisser crever de faim dans ce taudis...
... j'ai tant de haine !
Le fils jure de venger son père.
Suit un dialogue très aigre :
M : Mon petit, prends des forces.
A : En mangeant des cailloux?
Aucune autre perspective n'est possible en dehors de la vengeance
Car pour chacun ici ton père fut un lâche.
On le lui dit chaque jour dans la rue, chez les commerçants et même dans des lettres anonymes.
Arrive l'huissier pour procéder à une saisie. Vince ne "charge" pas le personnage, qui, malgré sa fonction, garde un côté humain.
Pourtant cette apparition va déclencher un paroxysme chez la mère et par écho chez le fils, et la pièce va rapidement sombrer dans une extrême violence antimilitariste et sociale.
Donc vous venez saisir!... Regardez ce qui reste :
Une table boiteuse, une chaise, une veste
Que mon mari portait la veille du départ...
Il ne reste plus rien !
Laissez-nous seulement cette corde, ce clou,
Ça suffit pour le fils et la femme d'un lâche !
Elle raconte alors la guerre de son mari
Là-haut dans la fournaise où la canaillerie
Des puissants de ce monde, au nom de la Patrie,
Allait jeter la chair de millions de poilus...
et elle en vient à
... la sentence effroyable !
Il avait refusé, Monsieur, est-ce croyable ?
Un pantalon souillé de sang qu'on lui donnait..
Mais depuis je suis veuve !...
A : Et je n'ai plus de père !
Elle accuse
des noceurs de tout âge, des fabricants d'obus, tant d'embusqués, fils de bonnes familles...
Et c'est la guerre encor qui vous amène ici...
Des hommes galonnés ont pensé qu'à la guerre
Un de plus, un de moins, cela ne compte guère.
A : Mais ses juges, alors, étaient des cannibales
M : Mon fils, tu leur rendras un jour balles pour balles !
L'excitation est à son comble.
La mère sort un revolver :
Sortez... ou je vous brûle !
Entre le Maire du village :
J'ai le devoir sacré de vous offrir, Madame
Les regrets du pays. En son nom je proclame
Que le soldat Bernard Auguste, votre époux
Fut un brave soldat...
M : Des regrets, je m'en fous !
Le Maire : Pour vous et votre fils, en plus de ses hommages,
Elle accorde vingt-cinq mille francs de dommages...
M : Ce qu'il me faut ce n'est pas cette somme
Mais.... Mon homme !
Le Maire : Madame, je vous prie...
M : Ah oui, vous me priez !
Mais mon homme n'est plus !... Mais si, vous le voyez?
Il est là, regardez, il appelle, il avance...
C'est lui !
Le voyez-vous son corps tout criblé, tout sanglant...
Il vous cherche, Messieurs, officiers, colonels,
Vous qui sanglés, gantés, poudrés et loin des Boches
Condamniez au poteau des héros sans reproches.
Mon homme ! Je les tiens ! Ils sont là, mon amour!
Et frappe, frappe-les, frappe donc à ton tour !
Le Maire : Mais elle est folle !
Attachons-la, les bras... la poitrine... l'épaule..;
A : ... Sans blague !
Alors je vais rester tout seul, moi, désormais?
Non, ça ne sera pas...
Adieu ! Qu'ils soient maudits
La vie était pour moi trop rosse...
Il disparait dans la coulisse et se suicide avec le revolver pendant que la mère répète sans fin :
André, tu vengeras ton père !
André, tu les tueras !
Le rideau tombe sur les deux dernières répliques
La mère : À bas la guerre! À bas...
Le maire : Ah oui ! À bas la guerre !!
Après cette pièce dont l'ultra-pessimisme s'achève dans le sang et la folie, Hector Vince va revenir à des pièces "happy-end".
C'est le cas de
un acte en vers, portant une épigraphe de Lammenais, et une dédicace à l'Abbé Lemmens, auteur d'un conte, La Narration, dont Vince avoue s'être inspiré.
Cette pièce contre l'alcoolisme est ainsi placée sous l'égide de deux prêtres catholiques, ce qui est bien naturel pour ce récit très optimiste de la rédemption du pêcheur.
La pièce met en scène une famille : mère, père et fils (13 ans), les Lauthier (doit-on y voir une parenté avec les Lantier de L'Assommoir?).
La mère, restée avec son fils, se pose des questions sur le changement de son mari :
... Lui, l'homme de la verte,
Du vermouth, du bitter, de la gnole, du cric,
De ces poisons maudits qu'on débite au public...
Lui qui laissait toujours les trois quarts de son gain
Quand ce n'était pas tout, sur le comptoir de zinc...
Lui que l'alcool rendit furieux tant de fois,
Il ne s'enivre plus depuis au moins trois mois.
Tous deux se souvienne des terribles violences qu'ils ont dû subir.
Le fils rassure sa mère, il a même vu son père refuser un verre de l'amitié et
Quand il dit non, c'est non ! Maintenant, c'est un homme !
Le laitier rapporte à la mère ce que dit l'instituteur à propos de Pierre :
cet enfant fait ma joie à l'école
Il parle aussi d'
Une narration si belle, si sincère!
La mère veut voir ce "devoir merveilleux", mais celui-ci reste introuvable. Son sujet : un soir de paye, un ouvrier repousse violemment sa femme et va au bistrot d'en face :
"Ce soir, à la maison, on pleurera".
Il fallait terminer, nous avait dit le maître
En disant que l'alcool est un poison, un traitre,
Un ennemi qu'il faut combattre avec succès
Si nous voulons rester des hommes, des Français.
Sur un tel sujet
Les mots sortaient tout seuls de mon cerveau fébrile...
Sans médire pourtant de papa, le plaignant...
Retour du père, avec un bouquet, un paquet et une bague destinée à renouveler le serment du mariage.
Mais le paquet ?
C'est la narration que nous cherchions ensemble
Et que je revois là dans ce cadre !
Le père a rajouté un mot au devoir de son fils :
Et désormais Jean Lauthier a cessé de boire.
Grosse scène d'émotion.
Conclusion de la Mère :
Et que dans chaque école, et que dans chaque église,
Sans perdre un seul instant, sans vouloir transiger
On lutte pour sauver la famille en danger !
Ah! pour l'Humanité ! debout contre l'alcool !
Ainsi finit cette bleuette qui paraît bien fade après le déferlement de haines et de malheurs de Réhabilité.
En 1927 paraît une nouvelle pièce qui, comme Réhabilité met en scène, dix ans après, les terribles conséquences de la guerre :
LE FOU
Scène dramatique en vers.
Deux personnages, le Fou et un Employé de gare, quelques figurants.
Le décor représente la salle d'attente d'une gare de village. Un vieux monsieur monologue :
Moi je ne suis heureux qu'ici dedans ! Ma femme,
Mes amis, mes voisins, tout le monde me blâme
Parce que tous les jours mon unique souci,
Comme mon seul travail, c'est de venir ici.
Ils me disent : "Ton fils est mort", moi je proteste!
Ce n'est pas vrai ! Ce sont des fous ! Tout me l'atteste !
C'est clair ! ... Clair ! ... et tous ceux qui ne savent que dire
Qu'il est mort à Verdun, en seize, me font rire !
Il sort une très vieille lettre de son fils :
Mes chers parents, bientôt je serai dans vos bras!
Alors que sa femme n'attend
...que la mort au plus vite,
lui vient tous les jours depuis dix ans attendre son fils :
Il doit avoir bien faim, bien soif, bien froid peut-être!
Scène 2, l'Employé de gare :
... Ah la guerre !
Nul ne sait tout le mal que la gueuse a dû faire
Puisqu'elle agit encor comme un subtil poison
Qui prend aux uns la vie, aux autres la raison!
...
Tant de poilus, hélas, de tous sont oubliés!
Le Fou, lui, tombe sur un journal parlant de "la prochaine guerre", et s'écrie comme Hamlet :
Discours de....
Discours à....
Discours sur....
Des discours !
La prochaine ? Non pas ! Mon fils fait la dernière.
Il n'y en aura plus ! plus personne n'en veut !...
Il n'y en aura plus ! plus personne n'en veut !...
On la maudit partout dans toutes les familles,
Sauf chez les fabricants d'obus et de béquilles.
Passe le couple de figurants, enlacés. La dame est très gênée en reconnaissant le fou. C'est l'ancienne fiancée de son fils, mais le fou refuse de la reconnaître :
Juliette est fidèle ; elle attend qu'il revienne.
Le Fou raconte le train qui hante ses cauchemars (peut-être le seul morceau de littérature de la pièce) :
C'est un train peint en noir, avec un filet blanc.
Il est plein jusqu'au toit de soldats au teint pâle,
Et le bruit du sifflet résonne comme un râle,
Tandis que du wagon où je cherche mon fils
Monte un cri déchirant comme un De profundis.
Il voit aussi un charnier
Où les morts pourrissant confondent leurs miasmes
Et les vivants leurs cris, leurs plaintes, leurs sarcasmes!
D'un théâtre où l'horreur joue un rôle, le seul,
Mais où les figurants sont couchés sans linceul,
Le corps déchiqueté, les yeux pleins d'épouvante!
Là, sur le quai, il imagine le retour de son fils : des fleurs, des bouquets partout, "c'est colossal"!
Le train arrive et puis le train repart,
Il fuit comme un bandit après un mauvais coup !
... Je reviendra demain !
pièce dramatique en un acte en vers.
La distribution nécessite 8 comédiens, et sa longueur est environ le double des précédentes.
La distribution nécessite 8 comédiens, et sa longueur est environ le double des précédentes.
Elle
a été jouée pour la 1ère fois [et ensuite?] à Servian le 18 mai 1929,
par la troupe des COMPAGNONS d'ARLEQUIN, sur une mise en scène de Luc
XELLES, un auteur narbonnais.
Fait très remarquable : la pièce est dédiée à ANTOINE MOULIN, le père de Jean Moulin, conseiller général de l'Hérault et, auteur, comme Hector Vince, de pièces de théâtre.
Cette dernière pièce date de 1929. C'est la plus ambitieuse.
Après la misère, l'alcoolisme et surtout la guerre, c'est ici la médecine, ou plutôt l'accès aux soins réservé aux riches qui est ici la cible de Vince.
Celui-ci suit encore l'actualité. En effet, la loi du 5 avril 1928 permet aux salariés, de droit privé, ayant un
contrat de travail de bénéficier d'une assurance maladie, maternité,
invalidité, vieillesse et décès, ce qui est somme toute l'embryon de la Sécurité Sociale.
Mais la pièce de Vince ne va pas dans ce sens, et reste obstinément sur le plan de la charité chrétienne et de l'aide privée.
La scène se passe "dans une maison de braves gens".
Le jeune fils (5 ans) est malade, très malade : il va sans doute mourir.
La mère a d'emblée une attitude chrétienne, résignée et doloriste :
O petit oiselet, soufre ! C'est pour cela
D'ailleurs que sur la terre un jour on t'appela.
Souffre! Souffre ! Ta chair au mal est asservie.
Souffrir et puis mourir, enfant, voilà la vie !
O Seigneur, prends ma vie et laisse lui la sienne,
Car tu me reconnais, Seigneur, je suis chrétienne...
Il aurait eu cinq ans à Pâques,! Quel dommage !
Le père (qui croit plus à la science qu'aux prières) est aller chercher le docteur Béronde,
Excellent chirurgien, mais dur au pauvre monde !
Il a laissé mourir son père à l'hôpital !
Le docteur arrive pourtant, et faute de couverture pour protéger sa voiture de la pluie, arrache les rideaux. Ça commence bien !
Hercor Vince charge le trait, et le personnage poursuit logiquement :
Je suis un praticien et n'ai rien des apôtres;
Il faut que l'on me paie ou qu'on s'adresse à d'autres.
d'autant qu'il a perdu vingt billets la veille au baccara.
Le père lui donne 3 000 F, au grand étonnement de la mère.
Pendant que le docteur opère dans la chambre, une voisine apporte une nouvelle :
Un voleur aurait pris une assez forte somme
Chez le boucher du coin, pendant que ce dernier
Bavardait dans la rue avec le cantonnier.
Père : Connait-on le voleur?
Voisine : Quelqu'un l'a vu, dit-on, de la maison d'en face.
Mais il aurait oublié sa casquette...
On ne saurait tarder d'arrêter ce bandit.
Le mot de bandit choque le père :
Mot bien dur !
Peut-être ce voleur n'est-il pas un infâme !
Ce ne sont pas toujours ceux qu'on traque et qu'on tue
Qui sont les plus méchants. Il en est qu'on salue
Parce qu'ils ont acquis quelque célébrité
Mais qui sont bien connus pour leur férocité.
Je voudrais que l'argent ne fut pas le seul Dieu.
Irruption du boucher volé et du commissaire de police.
Le père est reconnu pour être le voleur.
La mère demande alors le silence : Mr Béronde opère son fils.
Commissaire : Un bien vilain compère !
Boucher : Oui, c'est un triste sire !
Le père avoue le vol, et explique pourquoi. Le docteur a exigé 3 000 F comptant et d'avance pour sauver son fils. Et l'hôpital est à trente kilomètres !
Il faut mourir alors, quand on n'a pas le sou ?
Commissaire : Une pareille somme à cet homme, c'est fou !
L'opération est terminée, les parents vont voir leur fils, qui est sauvé.
Le Boucher et le Commissaire, restés seuls, font des phrases embarrassées, oscillant entre protection de la société et charité humaine.
Finalement, le Boucher décide de retirer sa plainte. Le Commissaire lui-même en est soulagé.
À sa sortie de la chambre, le Boucher intercepte le Docteur:
B : Maintenant, remboursez !
D : Que vous dois-je ?
B : Vous me devez, Monsieur, le prix de votre honte.
Pour si grande que soit, Monsieur, votre science
Vous n'avez pas le droit d'exploiter la souffrance !
Contraint et forcé, le Docteur rembourse les 3 000 F. Magnanime, le Boucher lui en redonne 500, estimant que c'est le juste prix de son intervention.
Le Commissaire revient, le Docteur s'empresse de lui réclamer justice.
Coup de Jarnac du Commissaire : il lit le serment d'Hippocrate qu'a signé Béronde en devenant médecin : "Je donnerais mes soins gratuits à l'indigent", et accuse le Docteur de parjure. Celui-ci quitte la scène tête basse, happy end !
Le diagnostic du lecteur que je suis ne vaut pas 3 000 F, mais est clair et net : "un grand mélo".
N'empêche !
Il a existé à Servian un Théâtre du Peuple qui a duré pendant toutes les années 1920. Certaines de ces pièces (toutes?) ont été jouées en public.
Ce théâtre était pétri de bons sentiments, et chaque pièce avait un thème précis.
Malgré l'engagement à la SFIO d'Hector Vince, il serait vain de chercher dans le traitement de ces problèmes sociaux un idéologie précise.
On n'est ni vraiment socialiste, ni vraiment chrétien, on est tout simplement des "braves gens", humains et charitables.
Nous sommes loin, très loin, de la Révolution populaire.
Seules, les deux pièces portant condamnation de la guerre "dérapent" souvent. Ce sont les riches qui déclarent la guerre, ce sont les pauvres qui la font, qui en souffrent, qui en meurent. C'est le peuple qui, longtemps après la fin du conflit, en subit toujours les conséquences. Ce que la guerre a détruit, la paix ne le rend pas au peuple. Les riches sont plus riches, les morts restent morts.
Le pacifisme est le seul point sur lequel Vince se montre radical.
S'il est (presque) indifférent de savoir comment les mélodrames ont été appréciés par le public villageois, la réception des deux pièces pacifistes (et surtout de Réhabilité ) serait intéressante à connaître.
Comment réagissaient les anciens combattants, les mutilés, les victimes de la guerre ?
Difficile à savoir... La critique théâtrale ignorait le chemin de Servian !
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