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4 septembre 2019
GASPARD RICHER de BELLEVAL éphémère maire perpétuel de Montpellier à 17 ans : ça eu payé, ça paie plus !
1692. Louis XIV, à court d'argent, décide de créer des charges de MAIRE PERPÉTUEL et de les vendre.
En général, les gens ne se bousculent pas trop pour acheter ces charges, aux contours assez mal définis.
Outre des émoluments variables selon les villes, elles exemptent de la taille (impôt foncier) personnelle, de l'octroi et autres impôts, elles dispensent d'héberger la soldatesque de passage, et vous désignent d'office (comme "député-né") pour représenter la ville aux États de la province, lorsqu'il y a États (c'est le cas chez nous). Vous disposez aussi d'une clef des archives communales.
Et surtout, c'est vous qui convoquez et présidez la réunion des Consuls, et fixez l'ordre du jour des séances du Conseil.
À Nantes, par exemple, ville comparable à Montpellier, la charge est mise à prix à 60 000 £. Elle se vend 60 020 £ .
À Montpellier, même mise à prix : 60 000 £ .
Georges RICHER DE BELLEVAL (1646-1693), Président dans la Cour des Comptes Aydes et Finances, veut la place de MAIRE PERPÉTUEL DE MONTPELLIER.
En aôut 1692, il découvre le décret de création. Il envoie en urgence un messager à Paris pour que le Sieur Bize offre en son nom la somme demandée.
Peu après, il apprend qu'il y a surenchère. Nouveau courrier spécial à Paris
Nouvelle surenchère. Là, il se rend à Pézenas (où siègent, pour la dernière fois en 1692, les États) pour enchérir à 68 250 £ auprès de l'Intendant ou du Gouverneur.
Làs! À Paris, les enchères s'envolent. Richer de Belleval s'affole et y envoie successivement 3 courriers spéciaux ! Finalement, il remporte l'enchère, mais à quel prix ! 120 000 £ , soit le double du prix escompté.
C'est cher, d'autant que les frais annexes (les fameux "deux sols par livre", soit 10%, de droits d'enregistrement surtout,) s'accumulent.
Et si au moins, Georges de Belleval pouvait en jouir en bon père de famille!
Mais à Montpellier, c'est une véritable levée de boucliers : les Consuls, les officiers du roi, et même ses collègues de la CCAF le considèrent comme un intrus. Il lui faut des mois pour être admis à prêter serment auprès de l'Intendant Bâville, le 6 mars 1693.
Épuisé, il meurt après moins de 3 mois de jouissance de sa place de Maire Perpétuel de Montpellier !!!
C'est son fils, GASPARD RICHER DE BELLEVAL (1677-1731) qui hérite de la charge.
Il n'a que 17 ans !!! Il lui faut attendre ses 23 ans pour devenir en 1700 simple Conseiller en la CCAF (il en sera un des présidents en 1715).
Maire de Montpellier à 17 ans !
On imagine la réception enthousiaste qu'il a dû recevoir des Consuls et autres officiers !
En 1700, il jette l'éponge. Il devient Conseiller en la CCAF, et accepte que la Ville de Montpellier lui rachète son office.
Pour faciliter les choses, Belleval accepte d'être payé en "contrats sur l'Hôtel de ville", c'est-à-dire en reconnaissance de dette portant intérêt (une rente).
La somme finale est fixée à 135 442 £ .
120 000 £ du prix d'achat,
12 000 £ pour les 2 sols par livre payés lors de l'achat
et
3442 £ de "frais et loyaux cousts" , comme dit l'édit autorisant en France ce type de rachat (de "réunion" au domaine communal).
Ce sont ces 3442 £ de "FRAIS ET LOYAUX COUSTS" (peu de chose, en fait), qui font l'objet de ce manuscrit.
Les demandes de Gaspard Richer de Belleval sont transmises à l'intendant Lamoignon de Bâville pour arbitrage.
Et ce dernier n'est pas tendre ! Presque partout, il note en marge : "RAYÉ" ! c'est-à-dire : Refusé !
Souvent, il met en doute la loyauté même des "cousts" .
Le premier groupe de demandes de remboursement concerne les frais de communication engagés pour acheter la charge. Nous avons vu Georges de Belleval envoyer une procuration à Paris (300 £), y envoyer un messager spécial (30 £), aller en poste à Pézenas, y séjourner et en revenir (100 £) et finalement envoyer 3 messagers spéciaux successifs à Paris : frais de voyages, de séjours, et autres : 2000 £ !
Bâville est assez caustique : D'abord, ces paiements se sont faits de la main à la main, sans quittance, ce qui met en question leur réalité.
Ensuite, il défend le "service public" bec et ongle. Pourquoi envoyer un messager à Paris, puisque les enchères pouvaient être reçues à Montpellier ?
Et même si on envoie un messager, pourquoi ne pas envoyer à Paris une procuration par courrier ordinaire "comme on fait tous les jours pour ces sortes d'affaires". Avec une cinquantaine de livres, on s'en tirait au lieu des 2 000 £ demandées.
Remboursement refusé !
Suivent les frais administratifs.
La première demande est maladroite. Elle concerne 100 £ "données pour les peines de ceux qui ont sollicité son affaire" . Ce lobbying, pour ne pas dire ces pots-de-vin agacent Bâville : ils considère que ces employés n'ont peut-être rien reçu.
Il réduit ensuite aux frais réels, dirions-nous, les taxes diverses (140 £ a lieu des 400 £ demandées).
Une autre demande de 2 000 £ est assez étonnante, et donc refusée.
Belleval dit que, les transactions ayant duré 6 mois, il a dû bloquer 80 000 £ qui donc ne lui ont rien rapportées. Il réclame 2 000 £ pour les intérêts (5%, le denier vingt) qu'il a perdu.
Bâville est cinglant : les intérêts d'une somme ne sont dus que si l'emprunteur a joui du capital. Or, ce capital est bel est bien resté dans les coffres de Belleval, et non dans ceux de la Communauté de Montpellier. Belleval a agi "de son propre mouvement et pour son intérêt particulier" et la Ville n'a pas à le rembourser.
Pire ! Le Sieur Belleval réclame divers frais d'installation, de représentation ou de procès qui ont en fait été payés par la Communauté de Montpellier ou qui ont été réalisés gratis.
Là, on passe de la tentative naïve à une tentative à la limite de l'honnêteté.
Bâville réduit une demande de 100 £ à 20 £, car c'est le tarif commun, et " il n'y a pas apparence que Monsieur de Belleval qui estoit président à la Cour ait payé plus qu'un autre" !
De même pour les frais d'installation du fils qui ont déjà été payés par le père et qui ne se payent qu'une seule fois et que l'ex-maire demande 2 fois (ceux de son père et les siens).
Enfin, Belleval réclame 2 400 £ pour des frais de séjour à Paris où il a sollicité pour des affaires de la ville.
Réponse de Bâville : Belleval était à Paris pour ses affaires personnelles, et il s'exclame avec indignation : "Mais enfin, c'est la Communauté qui a payé tous les frais" !!
Et il met enfin les points sur les "i" :
"CELLA N'AYANT ÉTÉ FAIT QUE POUR SON PLAISIR OU POUR SES UZAGES SANS AUCUNE NÉCESSITÉ, AINSY S'IL A VOULU FAIRE LA DÉPENSE IL LA DOIT SUPPORTER ".
Trois enseignements majeurs dans ce manuscrit :
* Le souci de la COMMUNAUTÉ ET VILLE DE MONTPELLIER DE CONSERVER L'ÉLECTION DE SON MAIRE (même si celle-ci à la fin de l'Ancien Régime n'est pas un modèle de démocratie populaire). Elle est prête à s'endéter de 135 000 £ pour retrouver ce droit.
* Un poste qui finalement rapporte peu mais donne quelques privilèges et assure représentation et notoriété est l'objet d'une grande convoitise.
* Un maire de Montpellier, au XVIIe siècle, essaye de retirer le plus de profits matériels possibles de sa situation. Le flou des comptabilités laissait souvent entrer un loup dans la bergerie des finances municipales.
Mais l'Intendant effectue un contrôle efficace !
Aujourd'hui, la Cour des Comptes vérifie, en temps réel grâce à la dématérialisation de la comptabilité, toutes les opérations financières de la ville.
1 juillet 2019
Histoire d'un crime dans la pègre à Pinet dans l'Aveyron) . Auto-récit d'un assassin déclassé 1927
Histoire d'un crime dans la pègre
Un assassinat lors de la construction du barrage de PINET sur le Tarn
( Viala-du-Tarn, Aveyron) en 1927.
RÉCIT DE José BESALDUCH, L'ASSASSIN
Une trouvaille aux puces, des photos de la construction du barrage de Pinet, me ramène en 1977. J'avais découvert un petit cahier manuscrit "Histoire d'un crime dans la pègre".
Un assassin y racontait comment il en était venu à assassiner un homme.
Or, cet assassin s'avérait extrêmement attachant.
Voici l'histoire en deux mots, sans le charme du texte réel. (Lire celui-ci plutôt que mon résumé).
Joseph (il francise "José") est espagnol. Sans doute de famille notable. Il fait ses études dans un "couvent". À 18 ans, nous sommes en 1917, il séjourne deux ans à Paris, où il visite les musées. A 20 ans, il entre à l'Académie militaire de Tolède pour devenir officier. Mais la politique espagnole au Maroc où il semble être allé (guerre du Rif) ne lui plait pas et il quitte l'armée.
Il vient pendant plusieurs saisons faire les vendanges dans l'Hérault.
En 1927, des "contrariétés amoureuses" l'amènent à se réfugier en Aveyron où il devient caviste de la cantine d'Antoine Serrano destinée aux ouvriers du chantier du barrage en construction.
Dans ce milieu où 2000 jeunes hommes travaillent comme des brutes (le PCF manifeste plusieurs fois contre ces conditions de travail), les tensions sont vives.
Pour une sombre histoire de tour de danse, José entre en conflit avec un ouvrier pyrénéen au sang chaud.
Il prévient les autorités, présente des excuses, puis propose un duel à la loyale, avec deux témoins de chaque côté : mais les baraquements de Pinet ne sont pas l'Académie de Tolède, on lui rie au nez.
Finalement, 4 balles de révolver vont avoir raison de son adversaire qui en meurt.
Procès.
Le cahier manuscrit est sans nul doute destiné à son avocat, Me Werner.
Verdict : 6 ans de travaux forcés, grâce aux circonstances atténuantes. Tous les témoins ont décrit José comme calme et réservé, et Jacques Badenco, sa victime, comme violent et irascible.
Mais en 1977, je ne connaissais pas cet épilogue, pas plus que le nom de l'auteur : José BESALDUCH, né à San Matheo (sic?) en Espagne le 28 mars 1899. La dernière page du manuscrit avait été découpée.
Depuis, j'ai pu lire quelques interrogatoires de l'assassin, des témoignages du procès, le verdict, mais finalement, j'ai perdu la trace de mon auteur.
Anecdote. En 1977, ému par ce document, je l'avais retranscit et édité à une grosse centaine d'exemplaires.
Ancêtre des éditions Luis Casinada, avec reliure maison sous carton ondulé, et frontispice.
Je m'étais appliqué à reproduire l'orthographe de l'auteur. Rien de plus difficile, surtout à la machine à écrire : chacun a ses propres fautes d'orthographe. Et Apple n'était pas né.
J'avais demandé à M. Villaret de la librairie Planète, rue Foch, de bien vouloir le prendre en dépôt, lui laissant un exemplaire pour décider.
Le lendemain, consternation à mon passage à la librairie. M. Villaret ne savait comment me dire : "Essayez de trouver un ami qui corrige votre orthographe". Nous en avons bien ri ensuite, et je crois que les exemplaires se sont vendus assez bien.
Mais place au VRAI TEXTE et à sa transcription :


Et voici quelques unes des photos qui ont déclenché cette réactualisation.
Il y en a 25, signées Lucien Fustier, sans doute le photographe de la Société Nouvelle, chargée de la construction du barrage.
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Barrage de Pinet (Aveyron), Maison d'alimentation de la Société Nouvelle (1927) |
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Barrage de Pinet (Viala-du-Tarn, Aveyron) 1927 |
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Barrage de Pinet (Viala-du-Tarn, Aveyron) 1927 |
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Barrage de Pinet (Viala-du-Tarn, Aveyron) 1927 |
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Barrage de Pinet (Viala-du-Tarn, Aveyron) 1927 Auberge Brengues |
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Barrage de Pinet (Viala-du-Tarn, Aveyron) 1927 Auberge Brengues |
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Barrage de Pinet (Viala-du-Tarn, Aveyron) 1927 |
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Barrage de Pinet (Viala-du-Tarn, Aveyron) 1927 |
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Barrage de Pinet (Viala-du-Tarn, Aveyron) 1927 |
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