12 juin 2012

Des REVUES, des JOURNAUX pour maintenir et sauver la LANGUE D'OC. Stratégies éditoriales, publics cible, choix divers... (1850-1950)

                  A Norwenn Ansquer avec son sourire et son rire dans le déluge. 

Cansou lengodouciéno in L'Almanach des Muses 1767

                  Ce dimanche 10 juin je suis allé, dans le cadre de Total Festum, et sollicité par le LR2L (Languedoc-Roussillon Livre et Lecture), à Chanac , en Lozère (dans le superbe château du Vialard) , donner une conférence sur les diverses stratégies utilisées par les REVUES LITTERAIRES OCCITANES au temps du félibrige, disons 1850-1950.

                  Voici le synopsis de cette conférence, comme des cailloux sur lesquels j'ai sauté à grands pas pour traverser, près du Lot, une heure de bavardage.

                  En ce temps-là, aucune institution ne songeait à aider les langues régionales à survivre.
                  Le seul espoir de sauver la culture "occitane" reposait sur LA LANGUE et LA LITTERATURE. 
                  LE LIVRE fut largement mis à contribution, et plus particulièrement MIREILLE, "LE" livre de la renaissance provençale par excellence (1859).
                  Mais  notre sujet d'aujourd'hui concerne un 2e média : LES REVUES.
                  Leur nombre fut innombrable : la seule lecture des centaines de titres de revues publiées en occitan épuiserait largement mon temps de parole.
                  Elles couvrent tout le territoire occitan, et prolifèrent même à Paris.  
                  Leur prolifération et leur importance dévoilent le sentiment partagé par tout le monde de l'importance de la presse !

                 Mon histoire commence en 1854, le 21 mai. Ce jour-là, 7 jeunes hommes prennent en même temps deux décisions :
                      * fonder un mouvement pour la défense et l'illustration de la langue provençale : le félibrige.
                      * créer un almanach pour diffuser largement la langue restaurée et sa littérature : L'ARMANA PROUVENCAU.
                 C'est dire que, pour eux, l'un ne va pas sans l'autre.

                  Mais quelle presse et quel rôle?
                  Ma causerie va essayer de caractériser les choix qui ont présidé à la création et à la diffusion de ces revues occitanes, et les diverses stratégies adoptées, souvent en toute conscience, par leurs créateurs.

1 *** La plus simple, celle le plus utilisée avant le félibrige, c'est d'utiliser les supports existants.
L'Almanach des Muses publie à la fois Voltaire et de la Langue d'Oc

                  *** C'est le cas au XVIIIe avec le plus célèbre almanach parisien : l'ALMANACH DES MUSES, où, presque chaque année,  par exemple ici en 1767, deux chansons languedociennes voisinent, sans traduction avec Voltaire. A noter qu'on parle alors de "languedocien" et non de "provençal" ou d'occitan.
Le Mémorial du Vaucluse chronique Joseph Roumanille 1847

                 *** C'est surtout le cas de tous les journaux régionaux qui accueillent, en Provence surtout, des textes en langue d'oc. Voici L'INDICATEUR d'AVIGNON où en 1843 est imprimé pour la 1ère fois le nom de Roumanille (à 25 ans, à propos de logogryphes), ou le MEMORIAL DU VAUCLUSE de 1847 où paraissent, pour la première fois des extraits des Margarideto du même (paru en librairie la même année), bien avant l'existence du félibrige, dont on voit par là qu'il ne naît pas de rien.
                 Ceci se passe au XIXe principalement en Provence qui est plus en pointe que le Languedoc et surtout que la Gascogne.
                 C'est, disons, le reflet de la vie occitane : une langue minoritaire ayant sa (petite) place dans la société française. Il n'y aura que bien peu de quotidiens régionaux qui ne laissent une rubrique à l'occitan (et ce jusqu'à Midi Libre, La Dépêche…).
On pourrait aussi citer l'apparition de Robert Allan dans la revue DIRE de Montpellier dans les années 60. Mais cette revue fait l'objet d'un article à elle toute seule. 
                  C'est la portion congrue accordée au folklore local.

              *** Autre utilisation de supports existants : les revues parisiennes, surtout littéraires.
              Il arrive aussi en effet que "Paris" fasse un effort pour accorder une place à cette littérature exotique.
              Deux exemples : LA PLUME, "LA" revue symboliste de la fin du XIXe avec le numéro de JUILLET 1891 consacré aux félibres par Charles Maurras (ici, un exemplaire avec envoi de Maurras. au Prof. Antonin Glaize). On y trouve des oeuvres des "grands félibres", des extraits des autres, et une analyse de tous les écrivains de la nouvelle génération, de 1890.
N° de LA PLUME de 1891 consacré aux Félibres. dédicace de Charles Maurras

              La NRF en 1930 se fend d'un numéro spécial pour le centenaire de Mistral. Textes de Mistral, mais aussi de Folco de Baroncelli, de Joseph d'Arbaud ou d'André Chamson. (De nos jours, Le Magazine littéraire, ou Europe, voire Le Monde des livres font parfois de même). Le corps de la revue est toujours en français, seules les citations sont occitanes, les textes sont en 2 langues.
1930 La NRF célèbre le centenaire de Frédéric Mistral

               *** Toujours et pour terminer cette rubrique  "vu de Paris", il ne faut pas négliger les divers organes des Méridionaux de Paris.
               Paris reste la capitale où il faut être présent (Philippe Martel a étudié la réception de MIREILLE qui passe forcément par Paris: Maillane-Paris-Maillane).
               Le Mois cigalier organe de La Cigale, association des méridionaux de Paris. On y retrouve des gens comme Jean Aicard, Henri de Bornier, Alexandre Cabanel, Alphonse Daudet, Ferdinand Fabre  ou le ministre Maurice Faure et même Jean Jaurès qui n'ont souvent jamais écrit un mot occitan, à côté de quelques très rares félibres exilés comme Joseph Loubet . L'occitan n'apparaît que dans des citations , mais  on y parle beaucoup des félibres, et trop des tambourinaïres. Comment dit-on "pagnolade" quand on parle d'Alphonse Daudet?
Les cigaliers de Paris en goguette dans le Midi

                Dans le même cas on peut citer Lou Viro-Soulèu, La Revue félibréenne de Paul Mariéton  ou La France latine autour de Jean Lesaffre

                MAIS REVENONS AU FELIBRIGE FELIBREJANT pour la  2e option stratégique.

2*** L'Armana prouvençau et la forme "Almanach" 
               Il est créé le même jour de 1854 et dans le même mouvement que le félibrige. Joseph Roumanille le prend en charge, l'édite et le distribue.
               Le premier paraît fin 1854 pour l'année 1855.  En 1870, son tirage est de 7000 exemplaires.
               Avantages de la formule "ALMANACH" :
               *** La formule existe déjà  et a déjà fait ses preuves : les almanachs de la bibliothèque bleue (imprimés surtout à Troyes) sont distribués dans les campagnes par les colporteurs depuis le XVIe siècle
              *** Il est annuel,  bon marché, (le prix de 3 timbres poste) sert de calendrier et est repris en main très souvent, parfois lors de réunions ou de veillées.
              *** Surtout : on peut le garnir avec n'importe quoi : petites poésies, musique, histoire et historiettes en prose, blagues (lou cascarelet) , infos pratiques ("annuaire" ou recettes ) ou infos tout court : liste des médaillés…
ARMANA PROUVENCAU publié chez Roumanille 

             En fait, sous le nom d'almanach qui n'effraye pas les milieux populaires, CE SONT DE VERITABLES REVUES LITTERAIRES.
             Il mêle les vers à la prose. Paradoxalement, si les vers sont une manière populaire spontanée d'écrire, la prose est un des grands apports félibréens : le langage courant peut s'écrire!
Tous les grands noms de la littérature  provençale seront publiés par L'Armana.  Les textes de Mistral seront recueillis et édités : Proso d'Armana en 1927 .
             L'armana prouvençau continue à paraître.

LES AUTRES ALMANACHS
            On ne compte pas les almanachs qui paraissent dans la foulée.
            Le plus souvent, il y a un écrivain à l'origine qui est maître d'oeuvre.  Par exemple, L'ARMAGNA CEVENOU QUI DEVIENDRA ARMANA DE LENGADO quand Albert Arnavielle quittera Alès pour Montpellier.  Ou encore L'ARMANAC SETORI de Joseph Soulet . Reparaît depuis quelques années.
           ARMANAC DE LOUZERO (depuis 1903 ? )
Scission et polémique en Rouergue : deux Armanacs Rouergas concurents 

           Son caractère bon enfant n'exclue pas les engagements politiques ou les violentes polémiques idéologiques.
            Ainsi, L'ARMANAC ROUERGAS, du Grelh Rouergat qui se scinde en deux en 1939 avec d'un côté MOULY-SEGURET et de l'autre Pierre Miremont-Joseph Vaylet.
            Ou encore LA LAUSETO (1877- 78) sous la direction de Louis-Xavier de RICARD qui se dit "Armanac dal PATRIOTO Lengodoucian", et est édité "MITAT FRANCES MITAT LENGO D'OC" . C'est l'époque du président de la République royaliste Mac Mahon. Il y a là pas mal de "félibres rouges".  Mais il ose publier aussi des textes des troubadours  Peire Cardinal ou Marcabrus en "version originale".
La LAUSETO, un almanach "ROUGE" 


             En fait, la formule "ALMANACH" est la meilleure pour faire entrer de la littérature dans les milieux populaires. Et TOUTE la LITTERATURE : populaire ou savante (Mistral, Aubanel, Troubadours…)


3 *** LA PRESSE POPULAIRE, la voie royale de la presse occitane
             Lou Bouil'Abaïsso  (1841) - Lou  Tambourinaïre  (1843) avaient montré la voie dans la mégapole provençale Marseille.

             *** ELIMINONS tout de suite le gros du peleton, celui qui fait gonfler les chiffres de l'édition des périodiques occitans. J'ai nommé  cette presse de proximité immédiate composée de bulletins ultra locaux, laïques ou paroissiaux qui fleurissent par centaines dans les plus petites bourgades d'occitanie.
            Certes, ce bulletin parle patois.
            Certes, le rimailleur, l'érudit ou le notable du coin l'alimentent abondamment.
            Certes, il est lu et attendu avec plaisir par la communauté à laquelle il s'adresse.
            Mais il est bien difficile, même avec l'empathie la plus grande de lui trouver des qualités littéraires. Et c'est là son danger : accréditer l'idée que le patois est synonyme de médiocrité (car ces bulletins ignorent superbement syntaxe et orthographe mistraliennes et patoisent à qui mieux mieux). Ils accréditent aussi l'idée que le patois est ultra régional, inconciliable d'un village à l'autre, qu'il n'a ni littérature ni syntaxe et qu'il ne sert qu'à parler "entre-soi", cet entre-soi étant des plus limités.

           *** MAIS CERTAINS JOURNAUX LOCAUX parviennent à avoir un véritable contenu littéraire et une audience régionale assez large.
La BUGADIERA de Nice en 1876

           C'est le cas à Nice de LA BUGADIEIRA de Jules BESSI, (1876) Du TRON DE L'ER de MARSEILLE (même époque),  de LA BOUTS DE LA TERRE (La Voix de la terre 1909-1914 Simin Palay avec Michel Camelat, voisine de RECLAMS DE BIARN 1896)
           Ou de la très célèbre dans tout le Midi CAMPANA DE MAGALOUNA  (437 n° parus de 1892 à 1933 : 40 ANS, avec des éclipses) de Edouard Marsal et François DEZEUZE.
LA CAMPANA DE MAGALOUNA 

           Max Rouquette y débute, en prose  en 1927 (19 ans) avec Lou paure ome e la Crous sous le pseudonyme de Max Cantagril qui intrigue Dezeuze soucieux de le rencontrer.
Le premier texte de Max Rouquette . L'Escoutaïre veut rencontrer Max Cantagril

           On y trouve bien sûr tous les montpelliérains et héraultais, mais aussi de nombreux provençaux et même gascons, mais presque tous sous pseudonymes.
           Canevas d'un numéro type :  Une Crounica de la campana assez échevelée par L'Escoutaïre, quelques poèmes narratifs ou burlesques, un texte sur l'histoire littéraire ou anecdotique du midi, parfois une chanson, des devinettes ou des bons mots, parfois un classique occitan (style Curé de Cucugnan, Sermou de M. Sistre…) des publicités, le plus souvent en occitan comme par exemple, N° 357 du 15 avril 1926 : "Lou milhou regiounalisme es lou de l'oustau"… conclusion : achetez vos meubles chez Arnavielhe à Montpellier…
             C'est sous la forme du journal hebdomaire ou mensuel, le même contenu, à peu près, que celui des almanachs.
           Tout cela dans l'occitan le plus populaire, qui ne recule pas devant les gallicismes…

          *** Ce rayonnement est aussi LE CAS DES REVUES SPECIFIQUEMENT FELIBREENNES : Dominique, La Cigalo d'Or  et L'Aioli
         Dominique créé en 1876 devenu La Cigalo d'Or en 1877  finit la même année pour reparaître de 1889 à 1895 (52 + 133 n°)  A noter donc que La Cigalo dort pendant 12 ans, puisque, liée à la vie tumultueuse de Louis Roumieux, elle cesse de paraître entre 1878 et 1889
Louis ROUMIEUX : Dominique, puis La Cigalo d'Or 

        Anecdote : Dominique, fondée par Louis Roumieux à Nîmes voit son titre unanimement critiqué : "Dominique es pas de la lengo. " Elle décide de s'appeler Lou Felibre. Mais officieusement, le félibrige tique et renacle.  Finalement, le nouveau titre sera : LA CIGALO D'OR. N'empêche, d'avoir voulu s'appeler LOU FELIBRE indique bien l'orientation  de la revue. D'ailleurs, les responsables seront toujours des responsables du félibriges : Hyppolithe Messine ou Alcide Blavet, syndic, Albert Arnavielle, le "félibre intégral". D'ailleurs, à  partir du 1 janvier 1890, LA CIGALO D'OR devèn l'ourgano ouficial de la Mantenenço de Lengadò.
         Son contenu est littéraire, mais avec de belles disparités de niveaux ou de qualité entre les différents textes.
          A noter, pour montrer la porosité des séparations entre les revues littéraires françaises et occitanes à la fin du XIXe qu'une polémique engagée contre DRUMONT à propos de son antisémitisme et de son anti-méridionalisme (au sud de la Loire, que pourriture répétera aussi Céline)  commence dans LA CIGALO d'OR et se poursuit dans la revue CHIMERE. Il est vrai que les 2 revues ont le même rédac chef : Paul Redonnel (voir sa notice sur ce blog).
La CIGALO LENGADOUCIANO de Béziers ignore Marcelin ALBERT, lou Cigalou 

          Le titre, qui évoque l'emblème des majoraux du félibrige fait florès puisqu'au XXe siècle nous aurons LA CIGALO NARBOUNENCO et LA CIGALO LENGADOUCIANO de  Béziers. Cette CIGALE là sera tellement poétique, tellement félibréenne, tellement mistralienne en un mot que, créée en mai 1907, au plein feu des manifestations viticoles (Féroul et Marcelin Albert), elle n'en dira jamais un mot, pas même une allusion.
          Quant à L'AIOLI, il est créé et dirigé par Frédéric Mistral en personne et paraît de 1891 à 1899, à peu près remplacé  par la revue d'un autre capoulié, Pierre Devoluy : PROUVENÇO (puis VIVO PROUVENÇO) de 1905 à 1914.  On ne peut plus officiel ni plus félibréen.

           *** On pourrait citer dans la même rubrique des revues destinées à un large public  LES REVUES "EVENEMENTIELLES" , créées à l'occasion d'un événement littéraire (LE CENTENAIRE DE l'abbé FABRE), politique (LA CAPELETA, journal électoral : voir ma notice dans ce même blog) ou plus grave : la GUERRE de 1914 avec LOU GAL (voir le journal de guerre de Louis Bonfils dans ce même blog) ou LA GAZETTO LOUBETENCO  polycopiée par Joseph Loubet.

             Après  les revues "Populaires", les revues "d'idées"

 4 *** LES ANNEES 30 VOIENT L'INTELLIGENTZIA OCCITANE ESSAYER DE DEPASSER LE FELIBRIGE tombé dans un folklorisme pittoresque et désuet, barbut et capellut dit Max Rouquette.
             Il s'agit de créer dans le domaine occitan des grandes revues pleines d' AMBITION
             Il s'agit, en utilisant uniquement la langue d'oc (dans tous ses dialectes), de donner une colonne vertébrale intellectuelle forte à l'action félibréenne
CALENDAU : peu spectaculaire, mais revue efficace !! 

             CALENDAU (1933-1940-1944, 100 n° ) va être la grande revue de cette remise en cause.
             Rien ne distinguera CALENDAU de revues françaises comme La Revue des deux Mondes, Europe, Les Temps modernes, Etudes, etc…
             Son sous-titre "Revisto felibrenco" ne lui interdit aucune liberté.
             Qu'on en juge : Le premier article (page 3 du N° 1°) est du mistralissime Léon Teissier : sous le titre  "Lou Capoulié"  c'est une critique acerbe du capoulié Marius Jouveau opposé au Capoulié de l'action, Pierre Dévoluy (1902-1909 ) : "Mistral èro pas un capoulié, mai un dieu qu'aviè meme pas un det à leva…"  "Mistral vouliè plaire en touti"…  l'article finit par : "Ço que Devoluy aviè de mai que Jouveau,… es que son pople l'amavo, l'escoutavo et l'aurié segui sabe pas mounte. …" Le grand homme de Calendau, c'est Devoluy.
             On ne peut être plus libre.   ….   Ce qui n'empêche pas cette espèce d'édito d'être suivi d'un brinde de Jouveau, ni celui-ci de faire en 1935 la réclame pour la revue et de la définir fort bien :
"Es mens uno revisto d'infourmacioun qu'uno revisto d'ensignamen. .. Acò vòu pas dire de negligi li publicacioun de soun endré…." (Et il y en a beaucoup!)
             Revue félibréenne, donc, d'enseignement (on dirait de recherche ET d'Opinion) aussi, et transcendant les particularisme régionaux.
             Ses auteurs viennent de Nice (Fontan), de Bordeaux (Boussac), de Béarn (Camelat) ou d'ailleurs.
             Fière de son MISTRALISME INTEGRAL (édito,), il va explorer tous les domaines de la COUNCIENCI NACIOUNALO  dòu pople nostre.
             "La lengo es la marco la mai seguro de la persounalita  mouralo d'un pais". Mais  l'ounour dòu félibrige es d'avé de longo uni li dos revendicacioun, lenguistico e soucialo…"  (es Calendau que dis acò).
             Nous trouverons donc au fil des 30 à 60 pages mensuelles des articles de fond, des polémiques, des études historiques ou littéraires, des récits, des poèmes, des compte-rendus de livres et de revues, bref tout un reflet de la vie intellectuelle sociale et politique de l'époque.
             Pierre Azéma et Léon Teissier seront les forces de la nature de cette revue jusqu'à l'automne 1940 où Azéma quitte la direction pour la laisser à Marcelle Drutel  (L'Aubanelenco) jusqu'au n° 100,  octobre 1943 (un n° 101 en juin 1945)
Quant à  Léon TEISSIER , puisque nous sommes à Chanac, notons qu'il est né en 1883 à Vialas en Lozère et est mort à CHANAC en 1981.  Oncle de Janine Bardou (maire et présidente du Conseil Général de Lozère).  Il quitte la revue  en mai 1942 (lors de l'invasion zone libre)
            Pierre Azema sera, en 1957-59 A LA FOIS PRESIDENT DE L'I.E.O et Majoral et syndic du félibrige.  Cela permet à Calendau de publier à la fois les félibres orthodoxes et les jeunes contestataires comme Max Rouquette dès 1933.
            L'attitude de Max Rouquette dans ces années 30 est symptomatique de la variété des stratégies occitanes pour occuper tous les terrains.
            Publiant régulièrement dans CALENDAU, il donne aussi des textes à LA CAMPANA DE MAGALOUNA , revue populaire s'il en est, tandis qu'il fonde en parallèle (avec Barthes et Lesaffre)  LE NOUVEAU LANGUEDOC  où il va contester les fondements mêmes du félibrige au nom d'une action "occitane" intégrale.
            LE NOUVEAU LANGUEDOC a à peu près les mêmes objectifs que Calendau, mais s'inscrit uniquement dans la FUTURE mouvance OCCITANISTE, en rupture avec un félibrige folklorisant.
Le mouvement, créé en 1928, sort son premier numéro annuel en 1931, et le dernier, N° 3  en 1932. Il ne survit pas aux départs de Rouquette et Lesaffre.
            OC, créée en 1923 à TOULOUSE par Ismaël GIRARD, et qui continue à paraître de nos jours a sous couvert de REVUE LITTERAIRE stricte, l'ambition DE REVOLUTIONNER TOUT LE MOUVEMENT OCCITAN.  D'abord en adoptant la graphie "classique" de Fourès et Perbosc.  Puis en sortant la littérature occitane du REGIONALISME. La Littérature d'oc est une des littératures mondiales.
C'est OC qui publiera le SECRET DE L'ERBA en 1934, le 1er texte publié en monographie de Rouquette. Mais je  considère arbitrairement que OC sort de mon sujet.

            Même ambition pour TRENCAVEL, fondé en 1937 (->1944) par Jeanne Barthès (Clardeluno) et Léon Cordes à Olonzac dans l'Hérault  : Revisto poupulario mesadièro per toutes, gavaches e pais-bassols . Trencavel privilégiera le théâtre.


5 *** UN COMPROMIS : Une revue que je n'ai pas su où caser :  Marsyas 1921-1942 et 1946-1961
MARSYAS de Sully André Peyre. Denis Saurat, l'ami infidèle

           Marsyas est liée à un seul homme : SULLY ANDRE PEYRE (1890-1961), associé à son épouse anglaise AMY SYLVEL .
           La revue publie en français, en provençal et en anglais.
           Je dis EN PROVENCAL, puisque c'est sa seule intransigeance : la langue est STRICTEMENT CELLE DE MISTRAL.
           Par exemple, PEYRE et Denis SAURAT qui a publié depuis 1921 dans Marsyas se brouillent lorsqu'en 1954 SAURAT publie Encaminament catar en dialecte ariègeois et en graphie classique dans la collection MESSATGES de l'IEO contre le "Droit du chef-d'œuvre".
           Littérairement, la revue est de très haute qualité. Elle édite une littérature "intemporelle", issue des courants littéraires de la fin du XIXe : Parnasse, symbolisme, naturalisme, 50 ans après. Mais c'est de la littérature de haute tenue.
           Peyre est un esthète, un dandy de l'écriture… Il m'évoque, humainement, Rainer Maria RILKE.
           La revue tirée à  1000 exemplaires, n'a aucune tendance régionaliste, et place la littérature occitane dans un courant littéraire universel.
           Elle diffuse les textes occitans d'excellents écrivains : Max Philippe Delavouet, Jean Calendal Vianès, Charles Galtier, Joseph d'Arbaud, etc..; et Denis Saurat
           Donc : à la fois très forte ambition littéraire, ouverture au monde, mais repli sur une orthodoxie grapho-linguistique mistralienne. Une stratégie troublée.
           La revue disparaît avec son créateur en 1961.
        
           Avec CALENDAU , MARSYAS et Le Nouveau Languedoc, nous avons quitté les revues les plus populaires.  Faisons un pas de plus et découvrons le vaste pays des :

6 *** REVUES SAVANTES

          Les félibres cohabitent très bien avec la REVUE DES LANGUES ROMANES créée en 1870 par des universitaires et des érudits : Charles de Tourtoulon, Achille Montels, Anatole Boucherie, etc…
          La RLR combine la philologie, l'édition de textes anciens et modernes, l'histoire et la critique  littéraire.
          Elle est rédigée en français, mais édite des textes occitans.
          Dès le premier numéro, en 1870, il publie à côtés de textes médiévaux des textes majeurs de Frédéric Mistral, Théodore Aubanel et chronique le 1er livre d'Albert Arnavielle (qui a 25 ans).  Donc anciens et modernes, voire très jeunes auteurs réunis.
Premier numéro de la REVUE DES LANGUES ROMANES en 1870

          A propos de l'Armana Prouvençau, Achille Montel parle dans ce même numéro de "cette mignonne Revue, qui, ne s'adressant qu'à la foule, a été acceptée par elle avec un si vif empressement, si bien qu'il s'en édite, pour toutes les provinces du Midi, 7000 exemplaires apportant partout, ainsi qu'il s'en vante, joie, plaisir et passe-temps, joio, soulas e passo-tems". (p. 86-87). Les ponts ne sont pas coupés entre le plus savant et le plus populaire.
         Il s'agit donc pour la Revue des Langues Romanes de réaliser 2 objectifs
         * Inscrire la littérature occitane de toutes les époques dans le cadre des études et de l'érudition internationale.
         * Comme on est en 1870, il s'agit aussi de contester le leader-sheap des universitaires allemands sur les études littéraires des troubadours.
         La Revue des Langues romanes est encore de nos jours publiée par l'Université Paul Valéry de Montpellier

        LE FELIBRIGE LATIN, lui, essayera plus modestement de contester la prédominance provençale et d'ouvrir le provençal vers la Langue d'Oc, puis l'occitan, dans toutes ses aires géographiques. La lutte d'Alphonse de ROQUE-FERRER contre le félibrige (et réciproquement) sera terrible, mais c'est une autre histoire
Alphonse Roque-Ferrier se rebife au nom du Languedoc(ien) 


         Je termine par un CONTRE EXEMPLE PARFAIT, comme moi qui fais cette conférence en français (mais c'était différent en 1890) : LA FRANCE D'OC (de Montpellier, années 1890)d'Achille Maffre de Beaugé qui, sous le patronage (quémandé et difficilement accordé) de Frédéric Mistral décide à la fois de s'appeler La France D'OC  et de n'imprimer aucun mot d'occitan. Même Mistral n'y est publié qu'en français.

         Je termine, vraiment cette fois-ci, par une information capitale : IL Y A ENCORE DES REVUES OCCITANES EN 2012 !!!

2 commentaires:

MAZOYER Marinette a dit…

Aime totes los articles escriches que son originals dempuèi : la favorita de Bou-Amema e aquel sus las revistas occitanas que ne baila un panoramà larg.

Es interessant per totes los qu'ensajan de sauvar la lenga.
de saupre : las conferéncias de venir ?

de Marineta MAZOYER a Gui BARRAL

Anonyme a dit…

Bonjour
Votre article m'a beaucoup intéressée. Connaissez-vous Juliette ARTOUS ? Je recherche des renseignements sur cet auteur de pièces en occitan, rouergate d'origine.
Mathilde