3 avril 2012

Revue littéraire de Montpellier : La LANTERNE DE DIOGENE. Premières apparitions de Jean Moulin, Maurice Chauvet ou Jean Claparède... 1917-1920

La Lanterne de Diogène. Montpellier, 1917. Le curé, le juge, l'étudiant, le soldat, le bourgeois









1917  La Lanterne  de  Diogène
Organe bimensuel des étudiants de Montpellier.
[Directeur : Paul Arnaud]
Administration : 9 rue Baumes, Montpellier.
Rédaction : 6 rue Glaize.
Impr. L’Abeille, 14 av. de Toulouse.
Gérant : Marius.
32 x 25 cm.


Voici une revue dont la teneur littéraire nous laisse un peu sur notre faim. Il est vrai qu'elle est, vers la fin de la guerre de 1914, toute rédigée par des très jeunes hommes (je n'y croise aucune femme), qui ont entre 17 et 19 ans. Etudiants, nous les verrons partir un à un pour rejoindre l'armée, puis le front. Presque tous récidiveront dans d'autres revues. Nous y voyons surtout la première apparition publique d'un nommé Jean MOULIN, "futur sous-préfet" de 20 ans.

Plaque sur la maison de Jean Moulin, Grand'rue, Montpellier

Dates : débute fin 1917. Le n° 2 porte : 1e année, 23 décembre 1917. Le dernier numéro conservé et sans doute paru est le n°45, de juin 1920. (Une collection incomplète aux AD de l'Hérault, cote PAR694).





Tonalité :
                  Nous sommes un journal d’étudiants. Nos collaborateurs sont les uns mobilisés, les autres sur le point de l’être... Nous ne parlons pas de la guerre, et c’est par pudeur... Ce que nous voulons, c’est conserver les vieilles traditions écolières, traditions de rire franc et de saine gaîté.

Collaborateurs :
                  L’étude de la revue est rendue presque impossible par l’absence de textes réellement littéraires, mais surtout par l’emploi de pseudonymes impénétrables.
                  Un des plus drôles est Le Moustique Victorieux, traduisez Victor Cousin, qui signe, entre autres, un portrait charge en Méphistophélès du conservateur de toutes les bibliothèques de Montpellier, Henri Bel
                  Diogène, titre de la revue, est aussi la signature de nombreux textes de la revue. C'est le pseudonyme de Paul Arnaud (qui le dévoile lorsqu'il part à l'armée le 14 avril 1918 et dont nous parlerons plus à propos de L'Ane d'or), mais c'est aussi sans aucun doute un pseudonyme collectif de la revue.
Paul ARNAUD, fndateur de la Lanterne de Diogène, mort avocat à 24 ans



                 Mais qui sont : Colibri, Le Frileux, Bout de Zan, Pion-Pion, Pétrarque le Consul, Gaspard de la Nuit, Plum, Flic, Margaritas Anteporcos, Taxys?  
                Jean Claparède qui signe parfois Saliceti de Saliceto donne son nom à quelques “définitions” humoristiques...  Mais qui est Le Scribe qui écrit le 28 avril 1918 un article sur Frédéric Bazille? Un autre pseudo de Jean Claparède qui, conservateur du Musée Fabre, organisera la rétrospective du peintre chez Wildeinstein en 1950? 
                  Certaines silhouettes se devinent, souvent à des indices ténus. Par exemple, au concours du “plus beau garçon de Montpellier” Raymond Ott est classé premier, et Maurice Chauvet recueille 5 voix. La Lanterne en tire gloire : ce sont ses collaborateurs... 
                  Maurice Chauvet, qui tiendra tant de place vers le milieu du siècle à Montpellier, publie le 13 juin 1920 des vers "dignes de Valéry Larbaud". La comparaison n'est pas neutre. En 1957, à la mort de Larbaud, Chauvet adressera, de sa propre initiative, un télégramme de condoléance au nom de la ville de Montpellier, qui avait oublié que Larbaud avait tant, et si bien, parlé d'elle.
               Pierre Tisset part pour la Sorbonne en novembre 1919. Mais il revient régulièrement comme comédien amateur, ou comme couturier à Montpellier en 1920. Il y mourra en 1968, professeur de Droit féru de Jeanne d'Arc. 

               Un certain Joseph Aldémar qui publie, en vers (?), chez Fasquelle Les Grands hommes de la France, quitte la revue, où il signait Rat-dit-Noir en juin 1920. Mais, devenu Jean RYS, il sera une des stars de la TSF à Montpellier pendant l'entre-deux guerres. 
                 Johannes Ahenobarbe est un certain Jean Caffort dont je ne sais rien. Notons quand même qu'un  Charles Caffort est alors  député radical socialiste de l'Hérault, ami du père de Jean Moulin et qu'en novembre 1919, un compte rendu du Congrès Radical socialiste paraît sous la plume de "M" (Moulin? Père ou fils? ). 
                  Si nous pouvons être certains de la participation de quelques collaborateurs à la revue, il est souvents impossible d’attribuer à chacun son œuvre. 
Pastiches de Paul Arnaud : Baudelaire, et, à propos de l'épicerie QUERCY, José Maria de Heredia.
                 C’est le cas pour Paul Arnaud, à qui on doit sans aucun doute beaucoup des pastiches qui remplissent la revue, mais pas tous. C’est le cas pour Robert Castagné (qui signe aussi Nicole), Eugène Causse, Léon Arribat, Raymond Ott, Maurice Chauvet, Emile Carbon (qui devient en février 18 "cymbalier de la musique du 81e") , Raymond Delmas, André Dupin, Raymond Lacoste (pseud : Chrysostome) et Jean Milhau (qui n'est pas qu'excellent illustrateur).
On ne sait qui rédige le 23 juin 1918 une Histoire des cafés de Montpellier (illustré par Ch. Hamonet).
Jean Moulin photographié au Peyrou, à Montpellier
                Mais le plus remarquable est la présence attestée de Jean MOULIN.  La donation de Laure Moulin au Musée de Béziers comprend de nombreux dessins (caricatures) et quelques unes des revues dans lesquelles elles ont paru.  Lors de l’exposition du centenaire de Jean MOULIN en été 1999, un exemplaire de La Lanterne de Diogène était exposée, ouverte sur un dessin signé  JM. Car Jean Moulin dessine. N'oublions pas qu'il signera plus tard Romanin des dessins dans de nombreux journaux. 
               Nous apprenons le 28 avril 1918 que "Moulin, futur sous-préfet, complète actuellement ses connaissances administratives au 2e génie, aux côtés de Georges Curbelier, le célèbre dandy" ... et de Paul Arnaud. 
                Le 25 décembre 1919, un dessin de Jean Moulin (signé JM) représente un fiancé entrant dans la chambre un bougeoir à la main. Un crucifix est sur le lit, un tableau au mur. Légende : Ah ! Perfide, me tromper le lendemain de nos fiançailles! Vous pouviez bien attendre que nous soyons mariés pour faire ça! 


Réseaux et constellations :
                La Lanterne de Diogène est exactement à mi-chemin entre L’Effort des Jeunes et L’Ane d’Or. Nous parlerons de ces deux revues. 
                 Du premier, on retrouve le côté étudiant, voire lycéen. De L’Effort viennent Emile Carbon, Raymond Delmas, André Dupin, Raymond Ott, Jean Claparède, bien d’autres sans doute non identifiés, et aussi Eugène Causse, le seul peut-être à avoir participé aux trois revues. 
                 La Lanterne fournira, elle, à L’Ane d’Or plusieurs de ses fondateurs ou collaborateurs : Paul Arnaud, bien sûr, Maurice Chauvet, Robert Castagné, Jean Milhau... Elle inaugure surtout le goût des pseudonymes grecs et latins, et la passion des pastiches littéraires. Mais ici, ce jeu stérilise toute autre création littéraire, ce qui ne sera pas le cas dans L’Ane d’Or. Mais nos étudiants de 1922 seront un peu sortis du stade potache.  
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                  A noter que, aussi bien dans L'Ane d'or que dans le recueil de Mélanges publiés par Henry Cabrillac  après la mort de Paul Arnaud en 1924, seule une allusion si voilée qu’elle est incompréhensible rappelle l’existence de  La Lanterne de Diogène

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