14 décembre 2011

Un fabricant de cartes à jouer à Montpellier : enveloppe de la fin du XVIIe siècle

Enveloppe de cartes à jouer d'Etienne LAJUS, maître cartier à Montpellier vers 1675
          Voici une petite feuille rare et charmante. Une enveloppe, nous dirions étui, dans laquelle se vendaient au XVIIe siècle les jeux de cartes.
          La gravure sur bois prévoit les languettes de fermeture, qu'on déchirait pour ouvrir le paquet. Il y a même une sorte de garantie : si le rabat ENTIERRE est intact, c'est que le jeu est complet, n'ayant pas été ouvert.
          La légende se lit ainsi : CARTES FINES DE ESTIENNE LAIUS CARTIER DE SON ALTESSE MONSEIGNEUR LE DUC DE VERNEUIL LIEUTENANT GENERAL POUR LE ROY EN LANGUEDOC RUE BARLERIE A MONTPELIER.
Publicité d'Etienne LAJUS, fabriquant de cartes à jouer à Montpellier
          Il y a eu à Montpellier au moins quatre LAJUS, maîtres cartiers, et Etienne LaJUS est sans doute le plus important.
          Les cartes retrouvées portant son nom (le nom du fabriquant est toujours sur le valet de trèfle), un certificat de mariage de 1709 on fait penser que son activité se déroulait surtout dans le premier quart du XVIIIe.
          Le titre de cartier du duc de Verneuil remonte cette datation au dernier quart du XVIIe. En effet, ce fils d'Henri IV fut nommé Lieutenant général de Languedoc en 1666 et le resta jusqu'à sa mort en 1682.
           1675 est donc une datation moyenne pour cette enveloppe de jeu de carte.
          La rue de la BARRALERIE, à Montpellier, était la rue où se trouvaient les fabricants de cartes. On y trouve aussi, outre les frères et fils LAJUS, toute la famille LIONNET (Gilles dit La Hire, Alexandre, un autre Gilles et même le gendre Antoine Roussel).
          A droite, une inscription n'a pu trouver sa place sur la feuille et est donc tronquée. On y lit LA FORTUNE ET LES... Mais par bonheur, cette devise a été conservée par un des apprentis d'Etienne LAJUS. Guillaume MARCILLIAC, "fils d'autre Guillaume MARCILLIAC, maître cartier à Montpellier" est devenu lui-même maître cartier à Nîmes, rue des Marchands. C'est grâce à lui que nous reconstituons la devise d'Etienne LAJUS : LA FORTUNE ET LES / BONHEUR (sic) SE PASSENT / COMME LA FLEUR.
          La vignette d'Etienne LAJUS représente les armes du Duc de Verneuil : les trois fleurs de lys des armes du roi, brisées du bâton de bâtardise.
          Deux anges supportent l'écu. Fait curieux, et riche d'enseignement sur la sexualité et la reproduction des anges, leur nombril est très nettement figuré.
Le nombril des anges
          Les initiales E. L. sont celles d'Etienne LAJUS.
          La gravure, tronquée à droite mesure 14 x 18 cm.


       
          En cadeau, une enveloppe de GOURY FUZELIER, maître cartier de Marseille pêchée sur le net.
       
          Les cartiers méridionaux travaillant pour l'exportation (vers la Catalogne et surtout les autres provinces françaises) et ayant, sur place, une forte clientèle de soldats, leur publicité et devise (qui ne sont pas légalement soumises à l'édit de Villers-Cotteret qui impose le français pour les communications officielles) sont rédigées en français et non pas en occitan qui était pourtant la seule langue parlée dans les bistrots de Montpellier ou de Marseille au XVIIe.